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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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roulèrent sous la table à la minuit.
Voyant quoi, le Roi se retira en sa chambre et contrefeignit de se mettre au
lit, le Comte Tenczinski, lequel tenait à peine debout, tirant les rideaux sur
lui.
    — Comment se nommait ce
Comte ? dit mon père.
    — Tenczinski. Il était maréchal
du palais, fort barbu et fort piaffant de sa taille géantine. En bref,
Tenczinski s’en va, titubant. Le Roi se lève, revêt la vêture de son valet de
chambre et gagne la poterne, suivi de Du Halde, Villequier, Du Guast, Soubré,
Quélus, Pibrac, Miron, Fogacer et moi.
    — Ha ! dis-je !
Fogacer !
    — Et moi, dit Quéribus, jetant
le bel œil à Catherine.
    — Ha ! Monsieur !
dit-elle, poursuivez, je tremble pour les fugitifs !
    — Madame, dit-il avec un
nouveau salut, assurément vous le pouvez ! Car à peine avions-nous sailli
du palais qu’un cuisinier qui avait reconnu le Roi, court le dire à Tenczinski,
lequel, tout ronflant qu’il fût, se lève d’entre ses pairs, rassemble ses
féroces Tartars et sautant en selle, tout ivre qu’il fût, se lance sur nos
traces ! Ha ! Messieurs ! Quelle chevauchée ce fut là ! À
quelques lieues de la frontière autrichienne, à l’aube, nous les vîmes en notre
dos galopant à brides avalées pour nous saisir. Havre de grâce ! S’ils n’y
avaient failli, ils eussent fait prisonnier le Roi, certes, mais nos têtes à
nous !…
    — Vos têtes, Monsieur ?
dit Catherine les deux mains sur son cœur.
    — Seraient tombées !
    — À Dieu n’a plu, mon cher
Quéribus, dit mon père mi-sérieux mi-riant, qu’une tête si bien faite eût chu
sous un fer polonais !
    — Il s’en fallut pourtant d’un
cheveu ! dit Quéribus, fort enflammé. Comme on atteignait le premier bourg
autrichien, lequel se nommait Plès, la jument du Roi chut sous lui, plus morte
que chèvre morte et déjà Tenczinski était là, avec ses Tartars derrière lui.
Nul secours, comme bien on pense, à espérer des manants et habitants du bourg
autrichien, lesquels, à la vue des envahisseurs, s’étaient remparés et
claquemurés au logis, chacun en sa chacunière.
    — Ha Monsieur ! dit
Catherine haletante, que va donc faire ce terrible Ten…
    — Tenczinski. Sans un mot, il
envisage le Roi (lequel le contrenvisage), arrête ses Tartars, avance seul vers
nous sur son petit cheval blanc, démonte, et démontant, choit à plein dans la
poussière de la place, nous laissant émerveillés qu’il eût pu tenir tant
d’heures en cette condition sur sa bouillante monture. Il se relève enfin,
titubant, et le Roi lui crie :
    — Comte, mon ami, venez-vous en
ami ou en ennemi ?
    — Ha ! Sire ! dit le
géant en son français tout aussi titubant (et fort ému je gage, que le Roi
l’eût appelé « mon ami »), je viens en très humble serviteur du Roi.
    — Alors, cria Soubré, faites
retirer vos Tartars !
    Sur quoi, Tenczinski, qui tenait un
fouet de chasse à la main, se retourna, et en claquant la mèche dans le vide
avec tant de force qu’il faillit perdre derechef sa balance, hurla en son
étrange parladure un commandement à ses cavaliers, lesquels, nous montrant leur
croupière, disparurent en un battement de cil, seul restant en la place, le
petit cheval blanc du Comte, lequel, je parle du cheval, parut avoir fort bien
entendu que ni la hurlade ni la fouettade ne le concernaient, et suivait pas à
pas son maître, celui-ci s’avançant en flageolant sur ses grandes gambes vers
le Roi, plus grand d’au moins deux têtes que ceux qui se trouvaient là, (encore
que je ne sois pas petit, ajouta Quéribus en redressant la crête), la barbe
poisseuse du vin qu’il avait glouti et blanche de la poussière qu’il avait, en
démontant, mordue, le pourpoint déchiré et déboutonné sur son poitrail velu,
les chausses tombantes, le cou et les bras ornés de bijoux énormes mais, la
Dieu merci, n’ayant pour arme qu’un poignard ce qui ne laissa pas que de nous
rassurer, ayant tous épées et pistolets, hors le Roi.
    — Ha Sire ! cria
Tenczinski en se jetant aux pieds de Sa Majesté, et parlant en son français
rocailleux, mais avec une bien émerveillable éloquence pour un homme à ce point
enivré, je vous supplie que vous ne départiez point de Pologne, mais que vous
reveniez à vos pauvres sujets lesquels, si vous ne retracez vos pas jusqu’en votre
capitale, se réveilleront demain tout orphelins et dégarnis de leur Roi
bien-aimé.
    — Cela ne se peut, dit

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