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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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si peu à admirer en sa vêture qu’on ne pouvait que davantage adorer (avec
les yeux du baron) le jeune corps en sa minceur rondie, sans parler de sa tête
si belle, de sa face si lisse et de ses grands yeux bleus brillants et fort
bien éclairés, pour ce que Franchou qui la précédait, brandissait un chandelier
qui ne portait pas moins de quatre chandelles (hélas, pauvre
Sauveterre !), seule profusion que Catherine se fût permise, mais lecteur,
ne fallait-il pas qu’on la vît, en sa savante simplicité, s’abîmer en une
profonde révérence devant mon père, et une autre devant le baron ? Lequel,
se levant avec la vivacité d’un carreau d’arbalète, l’œil lui sortant quasi de
l’orbite en la véhémence qu’il avait à la voir, lui dit, fort balbutiant,
qu’elle eût à prendre le siège qu’il venait de quitter, qu’elle y serait mise
plus commodément, et que pour lui une escabelle suffirait. Sur quoi, en effet,
il s’y assit, mais si brusquement qu’il grimaça, la fesse lui dolant encore de
son galop par combes et pechs, lesquels il n’avait tant furieusement chevauchés
que dans l’espérance de revoir sa belle après tant de mois neigeux en Varsovie.
Elle était là, à la parfin ! Et il eût pu l’envisager des jours et des
jours d’affilée, la vue étant le seul de nos sens qui soit irrassasiable, pour
peu que l’amour nous poigne.
    De parole, quand Quéribus fut posé
sur son escabelle par la moitié de sa croupière, pas une seule ! Et par ma
foi ! je crus bien que ce silence allait durer un siècle, tant le baron
était absorbé dans l’objet de sa contemplation, et l’objet même, tant ravi
d’être ainsi contemplé qu’il s’accoisait aussi, le teint rosi, le parpal
haletant, et battant du cil à la dérobée pour s’assurer qu’on l’envisageait bien
toujours et que l’envisageant ne laissait pas d’être aussi aimable que ses
rêves le lui avaient peint.
    — Mon cher Quéribus, dit à la
fin mon père, apensant que ce médusement avait assez duré, maintenant que je
vous vois tout rebiscoulé par le vin chaud que vous bûtes, peut-être pourrai-je
obtenir de votre débonnaireté le récit de l’évasion du Roi hors Pologne ?
    — Ha ! Monsieur !
s’écria Quéribus en se levant, je me veux mal de mort de ne l’avoir fait plus
tôt ! Il faut que la lassitude m’ait troublé le pensement pour que je
manquasse à ce point à la courtoisie due à mon hôte ! Plaise à vous,
Monsieur le Baron, d’agréer mes plus humbles excusations !
    Ce disant, il fit à mon père,
ployant le corps, un profond et gracieux salut, mais ce ploiement ne se faisant
pas sans lui tirer une grimace, il prit le parti de ne se point rasseoir et de
rester droit et debout tout le temps de son récit, marchant qui-cy qui-là dans
la librairie, ce qui lui donnait aussi plus de vues plongeantes en catimini sur
ma petite sœur Catherine, laquelle de son côtel courbait son joli cou de dextre
et de senestre pour le mieux ouïr et le suivre de l’œil.
    — On dit, reprit mon père, que
ces Polonais ne voulaient du tout laisser départir le Roi, ayant été à tant de
peine pour l’élire.
    — Mais c’est aussi, dit
Quéribus en riant, qu’ils estimaient que le royaume de Pologne n’est pas
moindre que le royaume de France, et qu’ils eussent voulu que le Roi nommât un
vice-Roi en sa capitale afin de demeurer Roi en Varsovie !
    — Le beau barguin que c’était
là ! dit mon père en riant à son tour. Non que le royaume de Pologne ne
soit de grande étendue et noblesse, mais celui de France est plus riche, le
ciel y sourit davantage et quelle ville au monde passe Paris ?
    — Assurément, dit Quéribus,
mais les Palatins étant fort résolus à retenir le Roi, il fallut bien user de
ruse pour leur échapper.
    — Que sont les Palatins,
Monsieur ? dit Catherine.
    — Les grands nobles,
gouverneurs de provinces, Madame, dit Quéribus en lui faisant un salut, mais en
prenant garde à ne pas ployer au-delà du poitrail – lesquels Palatins,
quand ils s’accordent entre eux en leurs assemblées, sont plus rois que le Roi
même en cet étrange pays. Mais je poursuis. Le 18 juin, par une fort
chaude nuitée, le Roi ayant promis de demeurer en son royaume de Pologne, donna
en son palais un pantagruélique festin aux Palatins avec force bons vins de
France, lesquels, ceux-là étant, de leur complexion, grands paillards et
soiffards, burent à s’enfler la panse et

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