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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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promettait délices après les frimas
polonais. Pour moi, ayant reçu mon congé à genoux comme le Comte Tenczinski (à
qui, ajouta-t-il en donnant le bel œil à Catherine, je me flatte, au reste, de
ne ressembler point), j’ai traversé l’Alpe au plus vite avec ma petite escorte
(laquelle, lecteur, n’était point si petite, mais convenait par le nombre,
l’appareil et montures à un riche baron) et m’encontrant alors sous le doux
climat de Provence, j’allais me payser chez mon cousin Montcalm en Barbentane.
    — Barbentane ! m’écriai-je
en bondissant de mon escabelle, laquelle chut avec noise sur le sol.
    — Ne fallait-il pas, dit
Quéribus avec un sourire des plus picaniers que j’allasse, étant si proche,
saluer le Comte mon cousin et poutouner mes trois belles cousines, mère et
filles ?
    — Trois ? dis-je.
    — M me de Montcalm,
Angelina et Larissa.
    — Larissa, dis-je béant, qui
est Larissa ?
    — La sœur jumelle d’Angelina.
Mais laissons Larissa : c’est une triste et male aventure que je dirai
plus tard. J’ai là, dit-il en se levant et en tirant à moi, deux lettres. L’une
à Monsieur votre père destinée. L’autre à vous-même.
    — Ha traître ! lui dis-je
à voix basse, que ne l’as-tu dit plus tôt ?
    Et à peu que je ne lui arrachasse
des mains la missive qu’il me tendait pour la déclore à la lumière du
chandelier que Franchou avait sur la table posé, mon père en faisant autant
pour la sienne mais avec, certes, plus de quiétude que moi dont les mains
tremblaient comme feuille de peuplier au vent, le cœur, cependant, me cognant
comme fol dans le poitrail. Ha ! Belle lectrice ! Vous qui
connaissez, à n’en pas douter, ces émeuvements-là, que vous dire des miens,
sinon que les prières d’Angelina avaient été à la parfin exaucées et que le
Ciel avait ouvert ses portes à un bienheureux de plus, celui-là même qui
promettait l’Enfer à M. de Montcalm s’il mariait sa fille à moi.
    — M. de Montcalm, dit enfin
Jean de Siorac, s’adressant à ceux qui étaient là, lesquels l’écoutaient en un
silence à ouïr une épingle tomber, M. de Montcalm m’écrit céans une lettre fort
civile où il me mande qu’il tiendrait pour infiniment agréable que mon fils
Pierre convolât avec Angelina en même temps que ma fille Catherine avec le
baron de Quéribus, pour peu que l’un et l’autre de mes enfants, étant
huguenots, consentissent à une condition que son confesseur, le Père Anselme, y
voudrait mettre, lequel en la chapelle du château célébrerait ce double
mariage. Et cette condition étant ce qu’elle est, je vais y rêver et pour ainsi
parler dormir sur elle quelques heures, en vous disant aux matines ce que je
m’en suis apensé. Baron, poursuivit-il, je vous salue et vous souhaite le
bonsoir et un quiet repos après votre longue chevauchée. Mon Pierre, montrez au
baron sa chambre. Catherine, prenez mon bras. Franchou, sotte caillette, que
fais-tu là à pleurer comme vache sans son veau, au lieu que de nous éclairer.
    — Ha Moussu ! Ha mon bon
maître ! dit Franchou en oc, je vous ai bien ouï et je pleurerai tout le
temps que serez de moi absent, départant en la Provence marier votre drole et drolette.
    — C’est donc, coquefredouille,
dit mon père, que tu as ouï ce que je n’ai pas dit encore : tant s’en
faut.
    À quoi, je pinçai en catimini le
bras de ma Catherine pour lui faire entendre que ce «  tant s’en
faut », en mon opinion, n’était que de façade, mon père ayant lieu
d’être fort satisfait de cette double alliance, mais ne voulant pas s’y ruer
incontinent, ayant, lui aussi, quelque hautesse à ménager et devant ces
ménagements aussi bien à son tortil de baron qu’aux exploits qui le lui avaient
gagné. Quant à la condition, je la sus le lendemain après une longue nuit qui
fut blanche, non de mes affres, mais des enivrantes délices que je me
promettais de mon proche avenir, ayant aimé mon Angelina de si longues années
sans la pouvoir à moi unir et à peine approcher, tant le confesseur de son père
avait de seigneurie sur lui. Quant à la condition du Père Anselme, mon père ne
l’ayant pas tout de gob refusée, je jugeai qu’elle était douce assez, (le Père
Anselme m’aimant prou) pour qu’il acquiesçât. Et en effet, à la pique du jour,
comme je m’ensommeillais enfin, étant lassé des turbulences inouïes de ma
nuit – Ha ! Qu’Angelina m’eût été

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