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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Maestro, poursuivit-il, avec un sourire tout ensemble suave et menaçant, si
j’étais le Grand Inquisiteur d’Espagne, je vous ferais avouer vos bottes par le
chevalet, la roue et l’estrapade.
    — Mais, padre, je suis
bon catholique !
    — Qui peut affirmer l’être,
dit-il, l’œil derechef flamboyant qui hante un huguenot ?
    — Lequel oit la messe.
    — Du fin bout de
l’oreille ! Mais Maestro, reprit-il en tapant du plat de la main
sur le fourreau de son épée, la grand merci à vous de m’avoir montré qu’on ne
viendra point à bout de vous, ceci en mains.
    — Venir à bout de moi ?
dis-je levant le sourcil, que signifie cet évangélique langage ?
    — Je n’en gloserai pas plus
outre, dit-il. Vous l’entendez assez.
    Sur quoi il me fit un profond salut
et s’en fut, et mon Pierre, croyez-moi, cet homme tient plus de Diable que de
Dieu, j’en jurerais mon âme ! Et je suis quasiment étouffé de rage et de
compassion à savoir la pauvre Larissa en ses mains !
    Ha ! m’apensai-je, observant en
cette ire et furie mon Giacomi, à l’accoutumée si suave et serein, que l’amour
vous change donc un homme !
    — Et savez-vous, dis-je, ceci
que je tiens d’Angelina : à son département, Samarcas a quis et obtenu de
M. de Montcalm une somme de mille écus pour la maintenance de sa pupille.
    — Voilà qui peu m’étonne !
dit Giacomi, le méchant ne peut qu’il ne soit chiche-face ! Samarcas è
un uomo che scorticare un pedocchio per avere la pelle [15] .
    À quoi je ris, ne voulant envisager
Samarcas en des couleurs si sombres que Giacomi, si roide et si zélé que le
jésuite fût sur le point de la religion, mais hélas ! je pourrais citer,
en Nismes et Montpellier, des huguenots et même des ministres de la religion
comme M. de Gasc, qui à cet égard bien le valaient. D’un autre côtel et tâchant
de tenir les balances égales, j’entendais bien que les Montcalm, combien qu’ils
outrassent en mon opinion la vénération où ils tenaient Samarcas, ne
nourrissaient pas sans raison quelque gratitude pour lui. Quelles que fussent
la guise et la façon dont il avait usé pour guérir Larissa et la nature de
l’étrange seigneurie qu’il détenait sur elle (et là-dessus j’avais quelque
petite idée que le lecteur m’excusera de taire), force forcée m’était de voir
que réussissant où tous avaient failli, il avait bel et bien arraché Larissa à
la geôle conventuelle où elle pourrissait, la pauvrette lui devant, et à lui
seul, le refleurissement de sa vie.
    Au département de sa sœur jumelle,
mon Angelina versa des larmes que je bus sur ses joues fraîchelettes, la
mignonnant à l’infini pour tâcher de l’apazimer. Et puisque nous sommes
présentement sur ce chapitre-là, je voudrais répéter céans que je ne partage
point l’opinion de M. de Montaigne qui, lors de ma visite «  en ses
douces retraites paternelles  », me dit de me bien garder de caresser
mon épouse future, « de peur que les extravagances de la licence
amoureuse ne la fassent sortir hors des gonds de raison ». Mais, belle
lectrice, n’est-ce pas justement raison qu’un homme apprenne à la compagne de
ses jours ces «  enchériments  » délicieux qui font «  la
volupté si vive, si aiguë et si chatouilleuse  » ? Faut-il donc
avec elle se mettre abruptement en besogne à la manière « chiennine  »,
d’une façon si vite et si précipiteuse qu’elle n’y éprouve rien, ou peu de
chose, n’ayant pas été éveillée par degrés au tumulte des sens ? Et
doit-on se priver, soi, de l’inouï bonheur de parcourir des doigts et de la
lèvre les provinces de son suave corps et de surprendre, ce faisant, sur sa
douce face, et dans ses yeux de biche, et se peut aussi dans un soupir,
l’émeuvement qu’on lui baille ?
    Si l’homme est seul pour naître, et
seul davantage pour naître à la mort, je prie au moins qu’il ne le soit pas, et
sa compagne non plus, au moment où, de leur conjonction, doit venir une vie
nouvelle, bien persuadé que je suis qu’il n’est pire solitude que le plaisir
reçu, mais non point dans le même temps donné. Le soudard forçant qui filles,
qui femmes, dans le sac d’une ville, ne serre pas à soi un être, mais une
chose, et la posséder ou la détruire, pour ce désespéré vilain, c’est tout un.
Ce n’est pas là plaisir. C’est – je le dis encore – solitude triste
et animale. Mais le corps n’est plus tant parlant

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