Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
Vom Netzwerk:
les poings liés. Il adressa un discret sourire à Hazembat, puis reprit sa mine imperturbable.  
    — Somme toute, dit le capitaine, je n’ai que vos affirmations pour vous croire. Vous n’avez aucun document.  
    — Les sacs de fardage ! s’écria Hazembat. Nat y a sa protection et moi, j’y ai mon livret !  
    — Et où sont-ils, ces sacs ?  
    — Nous les avons laissés dans le sous-bois, là où étaient les Espagnols.  
    — Eh bien, allons voir. Une petite promenade ne nous fera pas de mal.  
    Dans le taillis où s’étaient dissimulés les soldats de Galice, il y avait un cadavre auquel on avait ôté ses chaussures. Hazembat fut soulagé de voir que ce n’était pas le sergent Castaneda. Après avoir fourragé un moment avec Nat, ils découvrirent les sacs vidés de leur contenu. Les papiers avaient volé au vent. La première chose qu’Hazembat trouva fut le petit volume que lui avait donné Jenny. Avec l’aide des soldats de l’escorte, il rassembla peu à peu la plupart des documents que le capitaine Leclerc examina avec soin. Hazembat, cependant, cherchait des yeux le coffret qui contenait l’octant et le chronomètre de Sir John.  
    — Ça m’a l’air correct à première vue, dit Leclerc. Il te manque quelque chose, matelot ?  
    — Des souvenirs personnels, mon capitaine.  
    — Des objets de valeur ?  
    — Ça dépend, mon capitaine. L’octant, ça n’a pas une grande valeur pour un terrien, mais le chronomètre sans doute.  
    — Un chronomètre ? Tu dis qu’on t’a volé un chronomètre ?  
    — En tout cas, il n’est pas là, mon capitaine. Leclerc se tourna vers l’officier qui l’accompagnait.  
    — Lieutenant, faites fouiller tous les paquetages. Je ne sais pas ce que c’est qu’un octant, mais je veux ces objets dans la demi-heure.  
    Le pillard fut découvert en moins de vingt minutes. C’était une jeune recrue à l’air ahuri qui ne s’était manifestement pas rendu compte de la valeur des objets qu’il avait pris.  
    — Cinquante coups, dit Leclerc.  
    Dans la marine, on comptait plutôt par douzaines et on n’était pas tendre pour les voleurs. Le caporal chargé de l’exécution opérait avec une baguette de fusil. A première vue, cela avait l’air moins redoutable que le chat à neuf queues, mais quand il entendit le sifflement de la baguette dans l’air, puis le claquement sec sur le dos du condamné, Hazembat ne put s’empêcher de frémir.  
    L’homme était évanoui quand on le détacha.  
    — Soldats ! dit Leclerc d’une voix forte. Ce juste châtiment vous rappellera que les soldats de l’Empereur ne sont pas des pillards. Nous prenons sur le pays ce qui est nécessaire à notre subsistance, mais nous ne volons pas. Nous sommes en campagne pour faire respecter la loi, non pour la violer. Vive l’Empereur !  
    Une acclamation unanime accueillit sa harangue. Hazembat remarqua que Nat avait au coin des lèvres un petit sourire triste. Il devait penser la même chose que lui. Etrange armée, étrange guerre où l’on suppliciait un homme pour un larcin, alors qu’on n’aurait vu rien que de très naturel à ce qu’il éventrât une femme ou égorgeât un enfant.  
    Quand la colonne du capitaine Leclerc se remit en marche, Nat et Hazembat furent chargés du train de mules qui tirait le fourgon d’ordonnance. L’Américain montrait une singulière compétence pour ce travail qu’Hazembat trouvait difficile et rebutant. Il s’était acquis l’estime du caporal Lasseube, vieux muletier des Landes qui avait traîné ses animaux sur tous les chemins d’Europe où l’avait conduit la Grande Armée.  
    —  Hilhdeputa ! grommelait-il, on dirait que cet Iroquois arrive à leur faire comprendre son charabia !  
    Nat, à qui Hazembat traduisit ce propos, cligna un œil.  
    — Dis-lui que tous les Américains ont une mule pour grand-mère.  
    Lentement, la colonne achevait sa tournée. Il n’y eut pas de nouveaux massacres, mais les soldats français traitaient les villageois sans ménagements, comme s’ils voyaient en chacun d’eux un guérillero camouflé. Ils taisaient brutalement main basse sur tout ce qui pouvait se manger. Cela ne représentait pas grand-chose et, plus d’une fois, Hazembat eut faim.  
    Les chasseurs du capitaine Leclerc rejoignirent leur Régiment à Valladolid le 20 mars 1813. Il régnait dans l’ancienne capitale de la Castille une agitation qui aurait tourné au

Weitere Kostenlose Bücher