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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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s’étirait sur près d’une demi-lieue. Hazembat marchait à l’arrière avec les prisonniers, encadrés par un peloton de gendarmes à cheval. Plusieurs fois, il entrevit Nat qui s’était joint à une troupe de civils derrière des fourgons où s’entassait un butin hétéroclite. Les bataillons avaient beau marcher en bon ordre, il y avait dans le cortège comme une atmosphère de retraite.  
    En quatre jours, ils furent à Burgos où Fromant fit des réquisitions, puis, devant l’attitude hostile de la population, prit soixante notables en otages. Ils vinrent se joindre aux prisonniers. C’étaient tous des hommes d’âge, mais aucun ne baissait la tête.  
    Le 15 avril, renforcée par un bataillon de voltigeurs, la colonne quitta Burgos. Au bout de quelques heures de marche, Hazembat, par instinct de marin, nota machinalement qu’on faisait route au nord et non au nord-est, comme il eût été normal. S’il se souvenait bien, au nord de Burgos, c’était Santander, occupé par les Anglais.  
    A la pause, il en fit la remarque à un gendarme moins rébarbatif que les autres. C’était un vétéran au visage tailladé.  
    — Normalement, répondit-il, on va directement à Vitoria, mais il paraît qu’on a signalé une concentration de ces jean-foutres de guérilleros sur la rive droite de l’Ebre. Le général a dû décider de faire un détour par la montagne. Nous en serons quittes pour quatre ou cinq jours de marche de plus, mais il vaut mieux user ses souliers que se faire trouer la peau.  
    Le deuxième jour, on franchit un col, puis on redescendit vers le plateau en direction d’un petit village qui, dit le gendarme, s’appelait Sedano. Loin devant, on voyait les éclaireurs à cheval qui, déjà, remontaient la pente d’en face en obliquant légèrement vers l’est. Le milieu du convoi passait entre les cinq ou six maisons misérables du village quand, soudain, l’enfer éclata. De toutes les ondulations du terrain qui, l’instant d’avant, paraissaient désertes, des centaines de tireurs surgirent, mitraillant la colonne. Sur la crête, deux canons se mirent à tonner : du 12 de marine, songea Hazembat. La flotte anglaise avait dû y pourvoir.  
    Il y eut un moment de panique, surtout quand, des maisons en ruine, se déclencha un violent feu de mousqueterie. Le convoi se trouvait maintenant divisé en plusieurs tronçons. En avant, sur les pentes à l’est du village, la cavalerie tentait de s’ouvrir un chemin à coups de sabre. A la sortie nord du village, le général Fromant avait fait former le gros des troupes en carré, mais il était coupé de l’arrière-garde par les tireurs embusqués dans les maisons, qui balayaient le chemin de salves meurtrières. Tandis que les hommes du bataillon d’arrière-garde se déployaient en tirailleurs, les fourgons du convoi, entremêlés en un inextricable désordre, n’étaient plus protégés que par les gendarmes qui, abandonnant leurs prisonniers, mirent pied à terre pour faire le coup de feu. Ils se battaient avec courage, tombant l’un après l’autre sous les coups d’un ennemi supérieur en nombre.  
    Au grand galop, une troupe déboucha d’un ravin. Elle était menée par un homme de haute taille qui portait un bicorne mais était habillé comme un paysan.  
    —  Por Dios ! es Longa ! s’écria un des otages espagnols avant d’être touché par une balle perdue.  
    Hazembat rampa vers lui et lui souleva la tête.  
    — Ce n’est rien, amigo, dit l’autre. Juste une éraflure au bras. Ce n’est pas payer cher pour la liberté. Viva Longa !  
    —  Qui est Longa ?  
    — Qui es-tu, toi, pour ne pas connaître Longa ? C’est un des plus puissants chefs de guérilla du nord de l’Espagne. Il a des dizaines de milliers d’hommes entre lu Navarre et la Biscaye.  
    La ligne des gendarmes s’amincissait à vue d’œil. Une charge de guérilleros, sabre au clair, la perça. Les Français se battaient héroïquement à l’arme blanche, mais tombaient, un à un, sous les coups de l’ennemi.  
    — Libérez les otages et donnez-leur des chevaux ! cria Longa.  
    Blessé à l’épaule droite, le gendarme avec qui Hazembat avait parlé taillait du bras gauche devant un fanion tricolore fiché en terre. Une demi-douzaine de cavaliers s’acharnaient autour de lui. L’un d’entre eux lui fendit le visage d’un coup de sabre et, tournant bride, voulut rafler le fanion au passage.

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