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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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désordre sans l’inflexible discipline de l’Armée impériale. Il affluait des troupes de partout. On disait que le maréchal Soult avait été rappelé pour prendre le commandement d’une armée en Allemagne. Hazembat apprit aussi que Wellington, d’abord chassé de Madrid, avait repris l’offensive. Un bataillon de sapeurs remettait en état le château royal, en face du Colegio San Gregorio, au portail couvert d’un foisonnement de sculptures. Le bruit courut que c’était pour accueillir le roi Joseph qui abandonnait sa capitale et la laissait sous le commandement du général Hugo.  
    Nat et Hazembat continuaient à s’occuper des mules dans le grand parc, au sud de la ville, où les chasseurs étaient cantonnés. Ils auraient pu croire qu’on les avait oubliés, n’eût été des sentinelles qui leur interdisaient de sortir du cantonnement. Quand il leur arrivait d’aller en ville pour une corvée, c’était toujours avec un détachement armé. En fait, ils étaient traités en prisonniers.  
    C’est le 4 avril, jour des trente-cinq ans d’Hazembat, qu’un gendarme vint les chercher. Il les conduisit à travers les rues tortueuses de la vieille cité jusqu’à une sorte de palais dont le portail était encadré par deux géants nus qui soutenaient la corniche. On les fit longuement attendre dans une salle de garde où des soldats jouaient aux cartes, puis on vint chercher Nat. Quand il ressortit au bout d’une heure, il eut le temps de dire à Hazembat :  
    — Méfie-toi du policier de Boney. Il en sait plus long qu’il ne dit et, entre nous, il parle remarquablement anglais.  
    Puis on introduisit Hazembat dans un salon où deux hommes, un civil et un colonel, étaient assis derrière une table. Il crut se retrouver en 1797, quand il était rentré en France et avait été interrogé par les services de la marine à Bordeaux. Cette fois-là aussi, il y avait derrière le bureau un civil silencieux, au même regard dur et fermé.  
    Ce fut le colonel qui parla.  
    — Ton affaire concerne la marine, matelot. Tu t’arrangeras avec elle. Nous voulons seulement nous assurer que tu n’es pas un espion. Tu as déclaré au capitaine Leclerc avoir été fait prisonnier à Trafalgar et c’est bien ce que mentionnent tes papiers. Cela dit, Trafalgar, cela fait plus de sept ans. C’est beaucoup pour survivre sur un ponton.  
    — J’avais en emploi à terre, mon colonel.  
    — Quel emploi ?  
    — Serveur dans un café, mon colonel, et ensuite patron d’un yacht civil.  
    — Patron d’un yacht ? C’est ce que tu appelles un emploi à terre ? Et à qui était-il, ce yacht ?  
    — Au général Dalrymple, mon colonel.  
    — Dalrymple ? C’est ce pantin qui a signé la convention de Cintra avec Junot ? Il n’est pas gouverneur de Gibraltar ?  
    — Il l’a été, mon colonel. Ensuite, il a été affecté à Lisbonne.  
    — Et, tout ce temps, tu n’as pas essayé de t’évader ?  
    — Je l’ai fait dès que j’ai pu, mon colonel. Le yacht était en Ecosse.  
    Le civil intervint.  
    — Tu n’as jamais entendu parler de Louis-Guillaume Otto ?  
    — Jamais, monsieur. Qui est-ce ?  
    — C’est le commissaire à l’échange des prisonniers. Il réside à Londres. Il devait avoir ton nom.  
    — Je ne pense pas, monsieur. J’ai été porté disparu dans le naufrage du transport qui ramenait les prisonniers de Gibraltar en Angleterre.  
    — Et tu es resté disparu. C’est commode pour un espion.  
    Les deux hommes échangèrent un regard.  
    — Ecoute, dit le colonel. J’ai le pouvoir de te faire fusiller sur-le-champ, mais, si tu nous donnes des renseignements valables, je me contenterai de te renvoyer en France où l’on statuera sur ton sort. L’interrogatoire dura deux heures, après quoi le colonel appela deux gendarmes.  
    — Je te fais mettre à la prison militaire, dit le colonel à Hazembat. Tu partiras par le convoi d’après-demain.  
    — Et mon camarade, mon colonel ?  
    — L’Américain ? Il est en règle. Il empruntera le même convoi pour aller chercher un embarquement à Bordeaux.  
    Bonasses, les gendarmes lui permirent d’aller récupérer son sac au cantonnement. Il y rencontra Lasseube.  
    — Au train où vont les choses, dit le vieux muletier, tu risques d’arriver en France après les Anglais.  
    Le convoi était escorté par un fort détachement Commandé par le général Fromant. Il

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