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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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manquait pas dans ce pays verdoyant.  
    La mi-juillet était passée quand il reconnut devant lui les pentes du col de Sollube qu’il avait franchi, il y avait seize ans, porté à dos d’homme et rongé par l’infection de la blessure de pistolet qui, déjà, l’avait atteint à la même épaule gauche. Sa nouvelle blessure ne le faisait presque plus souffrir, mais le bras restait raide.  
    En haut du col, il s’arrêta un instant avant de faire les derniers pas, puis il avança et, dans une sorte d’éblouissement, découvrit la mer. Cela faisait presque un an qu’il ne l’avait pas vue, depuis le jour où le sergent Castaneda l’avait fait prisonnier à Cedeira. Il s’assit sur le bord du chemin et, les yeux perdus dans l’horizon libre, mangea un morceau de fromage.  
    Un berger parut, poussant devant lui ses brebis. Il posa une question en basque à Hazembat qui répondit en castillan :  
    —  Voy a Bermeo.  
    L’autre le considéra d’un œil critique.  
    —  Marinero   ?  
    — Si.  
    Cela parut lui suffire. Il s’en fut avec un geste d’adieu.  
    —  Agur !  
    Bermeo empestait le poisson, mais la puanteur était comme lavée par l’odeur âpre de la mer qu’apportait le vent du large. Il y avait beaucoup de monde sur la place du marché. Une patrouille de marines fendait la foule, martelant le pavé de ses bottes. La vue des uniformes rouges fit battre le cœur d’Hazembat. Il se glissa par des rues détournées vers la sortie de la ville qui menait au cap Machichaco.  
    Deux heures plus tard, il frappait à la porte de l’ermitage de San Pelayo. Ce fut Don Gorka qui lui ouvrit. Il approchait maintenant de la cinquantaine, mais il n’avait pas changé. Sa cicatrice sur le front lui donnait toujours l’air ronchon. Il considéra Hazembat un moment, puis s’écarta.  
    — Entre, Bernardchu. Voilà longtemps que tu ne m’avais pas rendu visite.  
    — Seize ans, Don Gorka.  
    — Déjà ? Le temps passe vite. Assieds-toi.  
    Il posa un bol de lait devant lui, puis, s’asseyant à son tour, le regarda curieusement.  
    — Tu es toujours républicain ?  
    Hazembat ne s’était pas posé la question depuis longtemps.  
    — S’il y avait une république, dit-il, je serais pour elle.  
    Hochant la tête, Don Gorka répondit :  
    — Je t’avais dit de te méfier de celle qu’il y avait en France à cette époque. Tu es pressé d’aller retrouver ton Empereur ?  
    — Pas tellement.  
    — Ce ne serait pas facile de toute façon. On se bat dans le Guipuzcoa et tout le long des Pyrénées. La mer fourmille de navires anglais. Reste avec moi quelque temps. Quand ils auront fini de s’entre-tuer, tu pourras toujours retourner chez toi. Tu as une femme qui t’attend ?  
    — Elle ne m’attend plus.  
    A la fin d’août, un pêcheur de Bermeo vint à l’ermitage. Il avait le visage buriné, mais il ne devait guère être plus âgé qu’Hazembat.  
    — C’est Joshe-Mari, dit Don Gorka. Tu ne te souviens sans doute pas de lui, mais il ne t’a pas oublié. C’était un des jeunes qui faisaient partie de notre troupe quand nous avons fait le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il est patron de pêche à Bermeo. Il n’y en a plus beaucoup de vivants.  
    Hazembat raconta la mort de Navarrot à Trafalgar. les deux Basques se signèrent et dirent une prière.  
    — Tu dois t’ennuyer à ne rien faire, dit Don Gorka, et j’imagine que tu te languis de la mer. Joshe-Mari serait d’accord pour te prendre dans l’équipage de sa barque pour la campagne d’automne. D’ici l’hiver, on y verra peut-être plus clair du côté de la France.  
    La tentation était trop forte pour qu’Hazembat pût hésiter un instant.  
    —  Eskerrik asko, Joshe-Mari ! dit-il en donnant l ’abrazo au pêcheur.  
    Il commençait à baragouiner quelques mots de basque et n’eut guère de mal à s’intégrer à l’équipage de six hommes. C’étaient tous des Bermeanos qu’on disait un peu fous. La Maritchu était une simple pinasse pontée avec une seule voile carrée à bordure libre. Ce gréement primitif la rendait assez peu maniable par gros temps, mais Joshe-Mari et ses hommes n’hésitaient pas à affronter des mers démontées avec une audace qui frisait l’inconscience. Hazembat se vit confier le timon de la barre franche. Il n’aurait pas mis bien longtemps à s’y habituer si l’année qu’il venait de passer à terre

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