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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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ne lui avait fait perdre le pied marin. En fait, tout au long de la première sortie, il eut le mal de mer et dut plusieurs fois se faire relayer. On ne semblait pas lui en vouloir. A la deuxième sortie, il fut plus à l’aise, compensant bien les embardées que la mer hachée par une forte brise de nord-ouest faisait subir à la barque.  
    La Maritchu ramenait des chargements d’énormes sardines, partant avec le jusant, passant une marée à pêcher à dix ou quinze milles des côtes, puis rentrant avec le flot. Cela signifiait souvent une nuit en mer. On dormait tant bien que mal quand le temps le permettait. Il arrivait que tout l’équipage dût se mettre à écoper quand la pinasse embarquait des paquets de mer.  
    A la mi-octobre, de grosses tempêtes se déchaînèrent. Même Joshe-Mari dut s’incliner et la Maritchu resta au port avec la flottille de pêche de Bermeo. Sous le vent et la pluie, Hazembat remonta s’installer à l’ermitage.  
    Quinze jours plus tard, le temps était toujours aussi mauvais. Joshe-Mari parut.  
    — Les Anglais évacuent leurs dépôts de Bilbao, annonça-t-il.  
    — Ils reculent ?  
    — Non, ils avancent. On dit qu’ils sont entrés en France. J’ai pensé que tu aimerais le savoir. Ils ont pris Hendaye et les régiments portugais menacent Saint-Jean-de-Luz.  
    La nouvelle perturba profondément Hazembat. Une chose était une guerre qui se déroulait en Espagne, une autre l’invasion du territoire national. Il se souvenait qu’en 1794, lorsque Sauvestre et Labat avaient quitté Langon et s’étaient engagés dans l’armée pour échapper aux persécutions du jacobin Boyreau, c’était à Saint-Jean-de-Luz qu’ils étaient allés défendre les frontières de la patrie en danger.  
    — Il faut que j’y aille, dit-il.  
    — Et quoi faire ? demanda Don Gorka.  
    — Me battre pour mon pays. Le curé hocha la tête.  
    — Je te comprends. Je crois qu’à ta place j’en ferais autant. Tu as une idée pour y aller ?  
    — Autrefois, Navarrot m’avait transporté jusqu’à l’embouchure de l’Adour.  
    Il regardait Joshe-Mari.  
    — A cette époque, dit le pêcheur, il n’y avait pas toute la flotte et l’armée anglaises pour surveiller la côte. Mais il y a peut-être une possibilité. Seulement, ce sera dangereux pour toi.  
    — Dis toujours.  
    — Les Anglais recrutent des barques de pêche volontaires pour aider aux transports le long de la côte française où leurs navires calent trop pour approcher. Ce ne sera peut-être pas pour tout de suite, mais si je m’inscris et que les Anglais continuent d’avancer, il y aura peut-être une chance pour qu’on m’envoie là-bas avant la fin de l’année. Une fois sur place, tu pourras tenter le coup à la nage.  
    Les semaines qui suivirent parurent interminables à Hazembat. Don Gorka l’observait avec amusement.  
    — Tu as attendu huit ans, Bernardchu. Que sont quelques jours de plus ?  
    C’est le soir de Noël que Joshe-Mari revint. Don Gorka célébrait la messe de minuit à la chapelle des marins, tout au bout du promontoire de San Juan de Gastelugache.  
    Quand Hazembat eut rangé les burettes, Joshe-Mari lui dit :  
    — C’est demain qu’on appareille. Si le cœur t’en dit…  
    — Je viens…  
    De la main, Don Gorka lui montra le grand bâton de cornouiller accroché au mur de la chapelle, parmi les offrandes.  
    — Tu te souviens ? C’est ton bâton de pèlerin. Tu l’as laissé ici il y a seize ans pour que le Seigneur veille sur tes voyages. Puisse-t-il t’entendre.  
    Joshe-Mari se joignit à lui pour réciter en basque la prière des marins qui rentrent au port, puis Don Gorka donna l’ abrazo à Hazembat.  
    — Souviens-toi de ce que je t’ai dit la dernière fois que nous nous sommes quittés, Bernard : sois toujours un homme libre.  
    La mer était clapoteuse et la brise d’ouest fraîche. Le convoi des barques de Bermeo fit route sous voile réduite, escorté par deux lougres anglais. On fit escale pour la nuit à Deva, puis à Fontarrabie. Le troisième jour dans l’après-midi, on arriva en vue de Saint-Jean-de-Luz. Le lougre de tête signala d’entrer dans le port et de jeter l’ancre.  
    — Je vais faire semblant d’être en difficulté et de manquer l’entrée, dit Joshe-Mari. Les Français sont à Ilbarritz, à cinq ou six milles le long de la côte. Je rangerai la barre d’aussi près que je

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