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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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aubergiste.  
    Il y eut quelques discussions sur la désignation du subrogé tuteur. Hazembat sentit qu’il y avait de la politique là-dessous. Les trois marins semblaient n’avoir que peu de sympathie pour les convictions royalistes affichées par les trois terriens. Mais finalement, Pishehaut se rallia au clan Rapin et Perrot fut désigné comme subrogé tuteur à la majorité de quatre voix contre deux à Castagnot.  
    Trois jours plus tard, Georges Amé déclarait Hazembat et Marie Dubernet unis par le mariage. Les témoins étaient Caprouil Montaudon, le plieur de corde Arnaud Bayle, le marchand Jean Courneau et le chapelier Pierre Veillât. Ce fut l’abbé Lafargue qui donna le sacrement de mariage en l’église Saint-Gervais. A cette occasion, il prononça une petite homélie où il commenta la parole de l’Ecclésiaste : « La fin d’une chose vaut mieux que son commencement. »  
    — Ainsi en est-il de vous, dit-il, qui avez vécu de grands commencements qui ont été déçus, mais qui avez eu l’humilité et la patience d’attendre une fin heureuse.  
    Et la vie reprit à Langon, rythmée par les voyages de l’ Aurore à Bordeaux. Les Anglais partis, la ville avait retrouvé son calme. Le vieux Montagnard ivrogne, Boyreau, dit Gavache, fut arrêté quelques jours pour des excès de langage et François Labat eut avec Pierre Jude un duel qui les couvrit l’un et l’autre de ridicule.  
    Labat n’avait plus toute sa tête à lui depuis qu’il avait appris que son fils Angel, dit Capdemule, monarchiste émigré à Toulouse au moment de la Terreur et devenu un riche entrepreneur de chaudronnerie, avait été tué dans les derniers combats des Anglais contre les troupes impériales. Il perdit complètement l’esprit quand, à la mi-mars 1815, arriva la nouvelle du débarquement de Napoléon en Provence. Sabre au clair, il parcourut les mes en criant vengeance contre les royalistes. Il fallut l’enfermer. Il mourut à l’annonce de Waterloo. Son petit-fils François, qui avait dix-sept ans, vint à Langon pour la succes sion. C’était un beau garçon au teint clair et à l’œil hardi, mais hostile. Portant ostensiblement une grosse cocarde blanche, il repartit sans avoir adressé la parole à personne.  
    Les Cent Jours à Langon s’étaient surtout manifestés par une réapparition timide des cocardes tricolores.  
    Toutefois, le drapeau bleu-blanc-rouge ne fut amené sur la mairie que le 21 juillet, en même temps qu’à Bordeaux et deux jours avant La Réole. Pour les bateliers, il y eut quelques perturbations dans le trafic quand l’arrivée du général Clausel à Bordeaux paralysa le port. La fin de la saison des grandes eaux fut morne.  
    Cela laissa du temps à Hazembat pour s’occuper de Pouriquète, enceinte de plusieurs mois et qui avait de plus en plus de mal pour aider à la boutique. La veuve Mouchot, sage-femme attitrée de la famille, ne cachait pas son inquiétude.  
    — Elle est fragile, disait-elle. Il ne faudrait pas qu’elle perde trop de sang.  
    Le 9 août au soir, les douleurs commencèrent. Hazembat resta aux côtés de Pouriquète toute la nuit. Au matin, le travail ayant débuté, les femmes le mirent à la porte. Désœuvré, il erra dans la ville. Comme il passait devant la boutique de Courneau, le marchand le héla et lui tendit un cornet de papier.  
    — Tiens, ce sont les dernières cerises. Elles ont été tardives cette année. Tu les donneras à Pouriquète.  
    Sur la place Maubec, un petit détachement de marines anglais prenait la route de Bazas. Ils devaient venir de Bordeaux et avoir bivouaqué, la nuit, dans les vignes.  
    Quand il revint rue Saint-Gervais, la veuve Mouchot se lavait les mains dans la cuisine.  
    — C’est une fille, dit-elle. Ta femme est très fatiguée. Elle a perdu beaucoup de sang.  
    Quatre à quatre, Hazembat monta l’escalier. Janote et Castagne achevaient de mailloter l’enfant sous l’œil pensif de Pierre. Pouriquète, très pâle, entrouvrit les yeux et sourit.  
    — Bernard, dit-elle, j’aurais voulu te donner un garçon.  
    Il déposa un baiser sur son front.  
    — Si elle est aussi jolie que toi, je suis trop heureux d’avoir une fille.  
    — C’est tout le portrait de notre mère, Bernard ! s’écria Janote.  
    Hazembat se pencha sur le petit visage fripé, mais ne put reconnaître aucune ressemblance. La bouche, qui tétait l’air, lui parut grande.  
    — Tiens,

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