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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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estima que les deux navires devaient avoir parcouru quelque trois cent cinquante milles vers le nord-est, ce qui, s’il se rappelait la carte, les mettait quelque part entre les Baléares et la côte espagnole par le travers de Valence.  
    C’est ce que lui confirma Smithy le lendemain. Il lui raconta en outre l’entrevue orageuse de Bentley avec le commandant de la frégate.  
    — Il nous a arraisonnés comme si nous étions de vrais pirates. C’est un tout jeune post-captain et il a fait mettre le vieux Bentley au garde-à-vous. Ensuite, ils sont allés discuter dans la cabine. On entendait les hurlements de Bentley jusqu’à l’autre bout du pont. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit, mais nous avons viré de bord et, depuis ce moment, Bentley n’a pas mis le nez dehors. La frégate nous surveille comme une prise de guerre.  
    — Avec ce cap et à cette allure, nous serons en vue de la côte française d’ici deux ou trois jours.  
    Hazembat en causa longuement avec Quilliou ce soir-là. Que pouvait bien avoir à faire un chargement de prisonniers de guerre sur une côte que les Anglais savaient particulièrement bien défendue ? A moins que les Anglais n’aient débarqué en Provence et que Toulon ne soit devenu une de leurs bases navales… C’était bien invraisemblable.  
    Peu à peu, à mesure que les marins captifs se rendaient compte du changement de camp, des rumeurs se mirent à courir tout au long des galeries. On disait que les prisonniers allaient être enrôlés de force dans la marine du roi de Sardaigne, qu’ils allaient être vendus comme esclaves aux Barbaresques ou même que les Anglais, ayant reconquis la Corse, y constituaient une force navale destinée à l’invasion du continent. Orsini surtout tenait à cette idée. Il y voyait une occasion de s’évader.  
    — Première minute qu’on débarque, hop ! je disparais dans les macchi et bien malin qui m’y retrouve !  
    Après six jours de navigation, à la tombée de la nuit, le Charon empanna sur une mer qui s’était un peu apaisée. De l’intérieur de la coque, Hazembat comprit aux bruits et aux mouvements qu’on embouquait une passe, puis, dans un grondement de câble libéré, qu’on mouillait en eau calme.  
    Tôt le matin, les quelque deux cents prisonniers furent amenés sur le pont où l’on distribua la bouillie. D’un coup d’œil, Hazembat se rendit compte que le Charon était entré dans une anse assez vaste cachée à la vue au sud par un amoncellement de rochers blancs parsemés d’une maigre verdure et au nord par une crête dentelée. C’était de toute évidence une île. Il y avait là au mouillage, outre la Minerva, un sloop, un lougre et quelques barques de pêche.  
    Sur le flanc de la crête, on apercevait quelques constructions de bois, manifestement faites à la va-vite. Ce devait être une base de ravitaillement utilisée par les Anglais. Hazembat se dit que, même en croisant à deux encablures de l’île, un navire ne pouvait en soupçonner l’existence, à moins de découvrir l’entrée de l’anse et d’y pénétrer. Cela lui rappela l’îlot de la baie de Chesapeake où, pendant la guerre d’Amérique, les navires français allaient ravitailler les insurgés américains. C’était là que l ’Argonaute, où servait alors son père, avait livré combat au Trojan.  
    L’arrivée du commandant de la Minerva interrompit ses réflexions. Il était trop loin pour distinguer nettement ses traits, mais c’était un homme jeune, mince, à la démarche énergique. Il fut accueilli à la coupée par le capitaine Bentley et son état-major dans un concert de sifflets et de roulements de tambours. En quelques enjambées rapides, il grimpa l’échelle de dunette et saisit un porte-voix. A côté de lui, un officier, muni d’un porte-voix lui aussi, traduisait chacune de ses phrases en un français parfaitement pur.  
    —  Prisoners ! commença-t-il, the laws ofwarforbid me to use you in any hostile action against your country unless you are willing to join the Royal Navy…  
    La voix était curieusement familière. D’abord intrigué, Hazembat finit par se dire que tous les officiers anglais devaient avoir plus ou moins la même façon de parler.  
    — Prisonniers ! traduisait l’interprète, les lois de la guerre m’interdisent de vous employer dans une action de guerre contre votre pays, à moins que vous ne soyez volontaires pour vous enrôler dans la

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