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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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Marine Royale… Si je vous ai amenés ici avec… l’accord du capitaine Bentley, au lieu de vous laisser gagner votre lieu de captivité en Angleterre, c’est que j’ai à vous y proposer un travail qui vous paraîtra probablement moins pénible que la vie sur les pontons… Ceci est une base de ravitaillement britannique. Vous n’avez pas besoin de savoir où elle se trouve… Nos équipages y ont entrepris la construction d’une citerne d’eau douce, mais leurs bras n’y suffisent pas. Votre travail sera d’achever la construction de cette citerne… S’il y en a parmi vous qui ont une objection de conscience à participer à ce travail, qu’ils viennent se ranger par bâbord de la timonerie. Il ne leur sera fait aucun mal. Ils resteront captifs à bord du Charon et continueront à recevoir leurs rations de prisonniers… S’il y en a qui veulent s’enrôler dans la Marine Royale, qu’ils viennent se ranger par tribord. Ils seront les bienvenus dans mon équipage…  
    Il fit une pause. Personne n’alla vers tribord. Une vingtaine de prisonniers se rangèrent lentement à bâbord. Instinctivement, Hazembat fit un pas pour les rejoindre, puis se ravisa. Tout valait mieux que de rester encore des semaines, peut-être des mois, confiné dans la vieille coque puante du Charon.  
    —  Bien, reprit le commandant. Les autres seront considérés comme des travailleurs volontaires. Ils travailleront à terre douze heures par jour. Ils recevront les rations réglementaires de la Marine Royale et seront soumis à la même discipline… Je dis tout de suite à ceux d’entre vous qui pourraient être tentés par une évasion que la garde sera assurée nuit et jour par une compagnie de soldats qui ont ordre de tirer à vue, et que les embarcations que vous voyez là patrouilleront au large de l’île… Toute tentative d’évasion sera considérée comme une désertion et punie selon le code naval britannique dont je vais vous donner lecture…  
    De nouveau, Hazembat entendit la litanie des «  shall suffer death » . Il n’y avait que quelques cas où la corde de chanvre était remplacée par le fouet.  
    Quilliou, qui était à côté de lui, demanda à voix basse :  
    — Tu acceptes ?  
    — Oui.  
    — Moi aussi.  
    Orsini, qui les écoutait, hocha la tête approbativement avec un clin d’œil.  
    — La Corse n’est pas loin, dit-il.  
    Le travail commença dès le lendemain matin. Des canots venaient prendre les prisonniers au Charon un peu avant l’aube et les ramenait à la nuit tombée. Entretemps, au pic, à la pelle, à la barre à mine, c’était une rude journée de labeur entrecoupée de deux repas assez substantiels de viande salée et de biscuits.  
    Comme un des plus robustes, Hazembat avait été affecté à l’équipe qui extrayait de gros blocs de rocher tout en haut de la crête. Le régime convenait à son tempérament. Il retrouva rapidement les chairs fermes et dures que lui avait fait perdre la bouillie du Charon et l’inaction à fond de coque. Il prenait plaisir à exercer ses muscles et n’était pas regardant sur la nourriture pourvu qu’il y en eût suffisamment.  
    C’est en mangeant qu’un détail attira un jour son attention. Ce qu’il mâchait n’était pas de la viande salée, mais de la viande fraîche, même si elle était fibreuse et racornie sous la dent. Or il n’avait jamais vu d’animaux vivants sur l’île. D’autre part, l’eau qui provenait des barriques entreposées dans une des constructions de bois ne paraissait pas y avoir séjourné bien longtemps. Il n’y avait manifestement sur l’île ni source ni puits. D’où les Anglais tireraient-ils l’eau destinée à leur citerne ?  
    Cet après-midi-là, prétextant d’un besoin à satisfaire, il grimpa un peu à l’écart sur la crête jusqu’à une échancrure entre deux rochers d’où il pourrait sans doute avoir une vue sur la mer au nord de l’île. Un marine le suivait des yeux. Il n’eut qu’un très bref instant pour jeter un regard, mais cela lui suffit pour être fixé. Il y avait une côte à moins de quatre milles. Elle courait est-ouest. Ce devait donc être la côte française. Entre l’île et la côte, d’autres îles et une douzaine de barques de pêche étaient éparpillées sur la mer bleu sombre.  
    N’ayant jamais navigué en Méditerranée, il était incapable de situer l’endroit. Il en parla le soir à Orsini.  
    — Tu as vu,

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