Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
Vom Netzwerk:
avec sincérité.
    Il réfléchit un instant en continuant à me fouiller du
regard, puis un petit hochement de tête m’indiqua que sa décision était prise.
    « Mon père ne reviendra plus en Angleterre, ni
aujourd’hui ni demain, quand bien même la reine elle-même lui écrirait pour lui
accorder son pardon.
    — Et pourquoi donc ?
    — Parce qu’il est heureux , dit Thomas en
appuyant avec colère sur le dernier mot. Et il est heureux parce qu’il a trouvé
sa vocation. Quelquefois, je me dis qu’il a fait exprès d’être découvert à
Lincoln College afin de pouvoir ouvertement revendiquer sa foi. Maintenant,
quand il m’écrit, il doit dicter sa lettre à un scribe. Et savez-vous
pourquoi ? Parce qu’il a été soumis à la question par le Conseil privé.
Ils l’ont suspendu à des gantelets d’acier pendant huit heures de rang, sans
toucher le sol, jusqu’à ce qu’il s’évanouisse, mais il ne leur a rien dit. Il a
plus ou moins perdu l’usage de sa main droite. Mais je crois qu’il aurait
volontiers accueilli la mort à l’époque, il se serait pris pour un martyr. Il y
a trois jours, j’ai appris qu’il allait prononcer ses vœux et devenir prêtre
jésuite. L’Église l’aura pour elle seule, et il oubliera qu’il a eu une femme
et un fils.
    — Je suis certain qu’aucun père ne peut oublier son
fils.
    — Vous ne le connaissez pas. Nous sommes une vieille
famille catholique, messire. Mais je vous le demande, comment une religion qui
prône l’amour peut-elle en même temps demander aux hommes de rejeter les liens
naturels de l’amour et de l’amitié ? De se faire martyrs pour la promesse
d’un monde invisible, et d’abandonner leur famille à sa douleur ! Je ne
veux rien avoir affaire avec un Dieu qui exige de tels sacrifices. »
    Tout en parlant, il avait émietté le dernier bout de pain
qui lui restait. Il tendit la main pour prendre un autre morceau et ce geste,
en remontant sa manche, dévoila un bandage qui lui enserrait le poignet.
Grossièrement réalisé, il était couvert de taches de sang brunâtres ainsi que
d’autres, encore fraîches.
    « Qu’est-il arrivé à votre main ? »
demandai-je.
    Il tira aussitôt sur sa manche et se frotta le poignet d’un
air ennuyé.
    « Ce n’est rien.
    — On ne dirait pas. Vous avez beaucoup saigné. Je peux
y jeter un coup d’œil si vous voulez.
    — Vous avez fait des études de médecine ?
rétorqua-t-il tout en retirant hâtivement sa main, comme s’il craignait que je
ne lui arrache le bandage sans son consentement.
    — Seulement de théologie, reconnus-je, mais j’ai appris
un peu l’art de faire des baumes quand j’étais moine. Examiner votre blessure
ne me dérangerait pas.
    — Je vous remercie, mais ça n’est pas la peine. C’était
juste un accident idiot. J’affûtais le rasoir de Gabriel et ma main a
dérapé. »
    Il baissa les yeux et reporta toute son attention sur le
pain. Mais le sujet n’était pas clos. J’étais tendu et je dus me forcer pour ne
pas lui montrer que cette histoire m’intéressait au plus haut point.
    « Notre ami Norris ne va pas voir le barbier du
collège ? »
    Un petit sourire traversa fugacement le visage de Thomas.
    « Il l’appelle le barbare du collège. Non, il préfère
se raser lui-même.
    — Quand vous a-t-il demandé d’affûter son rasoir ?
    — Ça devait être samedi, répondit Thomas après un
instant de réflexion. Il voulait se raser avant la disputation.
    — Et est-il à sa place habituelle depuis lors ?
    — Je… Je n’en sais rien, messire. Je n’ai pas vérifié.
Pourquoi ? »
    Il me regarda avec un regain de curiosité et je me dis qu’il
valait mieux ne pas éveiller davantage ses soupçons.
    « Je me demandais seulement s’il lui arrivait de le
prêter à des amis.
    — Jamais, messire. Il prend très grand soin de ses
affaires. Elles ont souvent beaucoup de valeur, ou bien elles lui viennent de
son père. »
    Il ne posa pas d’autres questions mais ne me quittait plus
des yeux. Le silence s’étira un moment, puis je reposai mon pain et m’essuyai
les doigts.
    « Mais cette nouvelle à propos de votre père… ce n’est
pas lui qui vous l’a apprise directement ? Si vos lettres sont
surveillées, il n’évoquerait pas son intention de rentrer dans les ordres.
    — Non, il avait un autre correspondant, m’apprit
Thomas, la bouche pleine.
    — Il avait  ? »
    Il se redressa et ses yeux se

Weitere Kostenlose Bücher