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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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teintèrent d’une vague
culpabilité. Je compris qu’il avait dit un mot de trop.
    « Vous parlez du docteur Mercer ? » insistai-je.
    S’il avait appris la nouvelle trois jours plus tôt, il n’y
avait qu’une personne dont on était forcé de parler au passé. Thomas acquiesça.
    « Ils continuaient à s’écrire. Mon père s’est toujours
confié à Roger Mercer, ils étaient des amis intimes.
    — Pourtant, Mercer l’avait dénoncé…
    — Je ne crois pas. Mon père n’a jamais su qui l’avait
dénoncé, mais il avait la certitude que Mercer n’y était pour rien. Mercer n’a
fait que témoigner contre lui au procès.
    — En général, cela suffit à briser une amitié. Votre
père doit avoir une disposition extraordinaire au pardon. »
    Thomas posa son couteau et me regarda d’un air excédé.
    « Vous ne comprenez pas, n’est-ce pas ? C’est
exactement ce que je disais à propos de la foi : elle prime sur tout le
reste. Les lois naturelles de l’amitié doivent lui être sacrifiées. Mon père ne
s’attendait pas que Roger Mercer agisse autrement, et il aurait témoigné contre
son ami si leurs positions avaient été inversées. Ils étaient fidèles à quelque
chose de plus grand que l’amitié. Si Roger avait pris sa défense, ils auraient
tous les deux fini en prison ou en exil, et qui serait resté pour poursuivre le
combat ? »
    Je sursautai.
    « Vous voulez dire que Roger Mercer était lui aussi
catholique ?
    — Je suppose que ça ne lui causera pas de tort
maintenant qu’il est mort, me confia Thomas à voix basse. Mais s’il vous plaît,
ne le répétez à personne, cela pourrait nuire à sa famille.
    — Non, me récriai-je, bien sûr que non ! Mais si
Roger était catholique et que votre père lui écrivait de Reims, ne lui a-t-il
pas confié des détails à propos de la mission anglaise ? Roger a pu jouer
un rôle dans cette affaire.
    — Je ne connais pas le contenu de leurs lettres, dit
Thomas en se tortillant sur sa chaise. Le docteur Mercer me donnait seulement
les nouvelles qui me concernaient personnellement.
    — Et les autorités du collège n’interceptaient pas leur
correspondance ? Ne trouvaient-elles pas suspect que Mercer continuât à
correspondre avec un homme qu’il avait aidé à condamner ?
    — Le docteur Mercer n’utilisait pas la voie officielle
pour expédier ses lettres. Il payait quelqu’un qui les acheminait discrètement.
Quelqu’un qui a les moyens de faire porter des lettres à l’étranger.
    — Oh. Un libraire, peut-être ?
    — Peut-être. Je ne me suis jamais renseigné sur ce
point, c’étaient ses affaires. »
    Malgré ses dénégations, Thomas avait le regard fuyant.
Soudain, il se pencha vers moi, pratiquement étendu sur la table, et posa la
main sur mon bras.
    « Je ne suis pas responsable pour mon père, ni pour les
lettres qu’il a pu envoyer, comme j’essaie d’en convaincre tout le monde depuis
un an. Je veux seulement vivre en paix, quitter Oxford et étudier le droit
séculier à Londres, mais je crains qu’on ne me laisse pas embrasser une
carrière d’avocat, ni épouser une femme de bonne famille, tant qu’on me
considérera comme le fils de mon père. Surtout quand il sera devenu jésuite,
ajouta-t-il en s’apitoyant derechef sur son sort. Les hommes de la reine au
Conseil privé ont des yeux partout, même dans les séminaires, et ils
l’apprendront bientôt. À moins qu’un homme influent ne prenne la parole pour
moi. »
    Il me jetait un regard implorant mais je m’en rendais à
peine compte. Mon esprit était occupé à examiner ces nouvelles informations. Si
Edmund Allen entrait dans les ordres a Reims, il devait d’une manière ou d’une
autre avoir un rapport avec la mission anglaise. Cela expliquait sans doute
pourquoi on avait mis à sac la chambre de Mercer : les lettres qu’Allen
lui avait envoyées, si elles contenaient des détails sur cette affaire,
constituaient des preuves assez fortes pour faire condamner tous ceux qui y
étaient associés. Le meurtre de Mercer restait toutefois un mystère. Avait-il
menacé de trahir la cause ? Avait-il trompé quelqu’un ? Les lettres
échangées par Roger Mercer et Edmund Allen citaient-elles des noms de gens qui
voulaient se protéger à tout prix ? Le « J » noté dans son
calendrier le jour du meurtre pouvait très bien renvoyer à Jenkes, me dis-je :
un homme capable de se faire trancher les oreilles sans broncher

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