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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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qu’ils veulent entendre s’ils me font du
mal !
    — Dites-moi la vérité, Thomas, le semonçai-je. Sinon,
je ne peux pas vous aider. Avez-vous peur de trahir les secrets de votre père
et ceux de ses amis si l’on vous soumet à la torture ?
    — Je n’ai jamais voulu connaître ces secrets, messire,
murmura-t-il, les yeux pleins de larmes. Je l’ai dit à mon père, mais il me
voulait de son côté. Il était résolu à m’amener à la foi catholique, il voulait
que je le suive en France pour n’avoir pas à choisir entre son fils et
l’Église. Il pensait sans doute qu’en me parlant de ses réunions clandestines
je me sentirais complice et que je développerais une forme de loyauté envers
ses amis. En fait, il m’a piégé avec un tas de secrets que je n’ai jamais voulu
porter. Je souffre pour une foi que je ne partage même pas ! s’écria-t-il
en abattant son poing sur la table.
    — Vous n’avez jamais pensé à divulguer ses secrets de
votre propre chef ? m’enquis-je. Vous savez que le comte de Leicester
récompenserait quiconque lui fournirait des informations comme celles que vous
détenez sur les menées catholiques à Oxford. »
    Le sens de mes mots sembla mettre un peu de temps à se
frayer un chemin dans son esprit.
    « Bien sûr que j’y ai pensé, répondit-il finalement.
Avez-vous déjà assisté à l’exécution d’un catholique en Angleterre, docteur
Bruno ? »
    Je lui avouai que non.
    « Moi, si. Mon père m’a emmené à Londres voir mourir
Edmund Campion et ses compagnons jésuites, en décembre 1581. Je pense qu’il
voulait que je sache ce qui était en jeu. » Il lissa ses sourcils du pouce
et de l’index et pressa ses paupières fermées, espérant peut-être de cette
façon effacer le souvenir de ce qu’il avait vu. « On les a éventrés comme
des porcs à l’abattoir et on leur a sorti les tripes à l’air avec un bâton pour
les dérouler plus lentement. On les entendait implorer Dieu tandis que leurs
entrailles étaient brandies devant la foule ravie. Leurs cœurs arrachés ont
terminé dans le bûcher. C’était insupportable, docteur Bruno, et j’ai vu le
visage de mon père : il était captivé, à croire que c’était le spectacle
le plus glorieux auquel il avait jamais assisté. Mais je ne saurais volontairement
condamner quelqu’un à un destin aussi terrible. Je ne veux pas avoir de sang
sur les mains, je veux seulement qu’on me laisse tranquille ! »
    Il criait presque, les doigts crispés sur son bandage.
    « Thomas… »
    La servante arriva à cet instant avec les chopes de bière.
J’attendis qu’elle se fût éloignée pour poursuivre à voix basse.
    « Y a-t-il à Oxford d’autres catholiques au courant que
votre père vous a confié tous ces secrets ? C’est-à-dire des gens qui
savent que vous ne partagez pas leurs croyances et qui pourraient avoir peur
que vous ne les trahissiez ? »
    Il détourna les yeux.
    « Est-ce que vous avez peur que ces gens ne vous
fassent taire avant que vous ne puissiez leur nuire ? Comme ils l’ont fait
avec Roger Mercer ?
    — Je ne peux rien dire de plus, docteur Bruno,
répondit-il d’une voix tremblante. Je vous le promets, vous n’avez pas envie de
savoir tout cela. Je voulais seulement vous demander de parler à Sir Philip de
ma part. J’aimerais bénéficier de son appui. Qu’il sache que je suis anglais par
mon sang, et que je suis fidèle à la reine comme à l’Église d’Angleterre.
    — Je croyais que vous aviez cessé de croire en Dieu,
observai-je avec un sourire.
    — Quel est le rapport entre Dieu et
l’Église ? » répliqua-t-il en souriant à son tour.
    Quelque part dehors, une cloche se mit à carillonner. Thomas
sursauta, comme frappé par la foudre.
    « Docteur Bruno, j’espère que je ne vous paraîtrai pas
grossier mais je dois retourner au collège. Gabriel va bientôt revenir de son
cours et je n’ai pas fini mon travail. »
    Il me paraissait surtout pressé de mettre un terme à la
conversation. Peut-être n’avait-il pas prévu que je lui pose autant de
questions en échange de la faveur qu’il me demandait. Je terminai ma bière et
payai. En voyant le regard envieux de Thomas alors que je prenais des pièces
dans la bourse replète de Walsingham, je ressentis une certaine culpabilité.
S’il avait su que cet argent m’avait été donné par ceux-là mêmes qu’il
craignait le plus, et dans le but d’extorquer le genre de secrets

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