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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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joué dans l’arrestation de cet assassin. Il se peut qu’à l’avenir elle
juge approprié de vous exprimer sa gratitude en personne.
    — J’en serais honoré, dis-je, la bouche sèche.
    — Quelque chose vous dérange, je le sens. »
    Je jetai un coup d’œil à Sidney, qui continuait à nous
tourner le dos.
    « Vous pouvez parler librement, Bruno, m’encouragea
Walsingham en voyant que je tardais à répondre.
    — Croyez-vous réellement qu’il a participé à un complot
visant à assassiner Sa Majesté ? »
    Il me regarda avec gravité, et je me souvins de ce qu’il
m’avait dit lors de notre première rencontre à propos de la responsabilité qui
lui incombait.
    « Non, je ne le crois pas », admit-il finalement.
    Je vis Sidney tourner vivement la tête et s’adosser au
rebord de la fenêtre, soudain intéressé.
    « La copie de la bulle pontificale Regnans in
Excelsis était ancienne. Je ne pense pas que ce soit Jerome Gilbert qui
l’ait apportée en Angleterre. D’ailleurs, les missionnaires n’emportent jamais
rien qui puisse les compromettre, sur ordre du supérieur général des jésuites.
Gilbert n’aurait pas commis cette erreur. Elle devait appartenir à Edmund Allen
ou à un autre professeur du collège. Ça n’a plus d’importance maintenant.
    — Et vous savez aussi que ce n’est pas lui qui a tué
les deux professeurs et le garçon de Lincoln College ?
    — Je le sais, oui.
    — Donc il a été exécuté pour des crimes qu’il n’a pas
commis, dis-je d’une voix mal assurée.
    — Le gouvernement de Sa Majesté ne persécute personne
seulement pour sa foi, affirma Walsingham avec une pointe d’agacement dans la
voix. C’est ce qui est officiellement mis en avant, et il est important de le
rappeler souvent, sinon nous ne ferons que fabriquer de nouveaux martyrs. Mais
si le peuple pense que les jésuites sont prêts à assassiner en faveur de leur
religion, c’est une aide inestimable pour notre cause.
    — Même si tout cela est controuvé, conclus-je avec
lassitude.
    — Cette guerre repose avant tout sur la loyauté. Nous
devons persuader le peuple qu’il a raison de nous faire allégeance, et tous les
moyens sont bons. Vous avez vu sa réponse aujourd’hui, n’est-ce pas ?
D’ordinaire, quand on décapite le condamné, toute la foule hurle au traître
parce qu’elle aime ce genre de spectacle. Mais avec ce Gilbert, le silence
régnait, et c’est un sérieux motif d’inquiétude pour le Conseil privé. Cela
signifie que la foule n’approuvait pas ce qui a eu lieu aujourd’hui, elle a
trouvé cela barbare. Un autre comme celui-là, et elle se retournera contre
nous. »
    Il secoua la tête d’un air blasé.
    « J’ai suggéré à plusieurs reprises qu’on les pende
jusqu’à la mort, mais on ne veut pas m’écouter. Peut-être le Conseil va-t-il
finir par prendre conscience que j’ai raison.
    — C’est une façon atroce de mourir », concédai-je.
    Walsingham s’emporta soudain.
    « Pire que les bûchers et les massacres qu’ils
infligent aux protestants ? D’ailleurs, vous m’avez dit vous-même que vous
l’aviez vu tuer le garçon, Thomas Allen, et qu’il avait l’intention de tuer la
fille aussi, alors qu’elle était enceinte. De son côté, Philip m’a expliqué
qu’il voulait vous faire tuer. Cet homme n’était pas un innocent, Bruno. Ne
vous apitoyez pas sur son sort.
    — Non, fis-je en baissant la tête.
    — Ce n’est pas une scène facile à regarder, reprit
Walsingham plus doucement, en posant la main sur mon bras. Vous me trouvez sans
doute barbare d’avoir insisté pour que vous veniez. Mais je vous avais prévenu
que le service de Sa Majesté ne serait pas de tout repos. J’avais besoin que
vous vous en rendiez compte par vous-même.
    — Il est mort avec dignité, dit abruptement Sidney,
comme s’il réfléchissait à cela depuis le début.
    — Et il s’est comporté avec courage face aux bourreaux,
ajouta Walsingham avec un certain respect. Ils l’ont bien entraîné à supporter
les souffrances, à Reims. Malgré nos longues séances de travail, il ne nous a
fourni aucun nom. »
    Je grimaçai en me souvenant des doigts mutilés de Jerome et
essayai de ne pas me représenter le reste du « travail » auquel on
l’avait soumis.
    « Que va devenir Sophia ? demandai-je en portant
la coupe à mes lèvres.
    — La fille du recteur ? Quand elle aura accouché
et qu’elle aura repris des forces,

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