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Le prix de l'hérésie

Le prix de l'hérésie

Titel: Le prix de l'hérésie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: S.J. Parris
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cour était entourée sur trois côtés par le bâtiment et les
balcons des deux étages qui la surplombaient.
    À l’intérieur, malgré le feu qui couvait dans l’âtre à
l’autre bout, il faisait sombre. Des tables longues et des bancs de bois
grossiers étaient disposés contre les murs, pour la plupart déjà occupés par
des hommes qui mangeaient en discutant. Un passe-plat ouvrait le mur face à la
cheminée, et une femme rougeaude en tablier courait entre les tables, des
plateaux et des pichets à la main, s’arrêtant à l’occasion pour ramener une
mèche de cheveux derrière l’oreille. Quand elle nous remarqua, son air harassé
s’évanouit et un sourire illumina son visage. Elle se précipita vers nous en
s’essuyant les mains sur son tablier.
    « Sir Philip ! Quel plaisir ! J’ai appris que
vous étiez de retour en ville. On dit qu’il y a eu une grande procession en
votre honneur.
    — C’était une procession très humide, et pas en mon
honneur, Lizzy, répondit Sidney en ôtant son chapeau et en la saluant
solennellement. Puis-je vous présenter mon cher ami venu d’Italie, le docteur
Giordano Bruno ?
    —  Buongiorno, signorina, dis-je en me conformant
à la courtoisie outrancière de Sidney.
    — Bien le bonjour, répondit notre hôtesse en gloussant,
ce qui fit tressauter sa considérable poitrine.
    — Nous aimerions une table au calme, Lizzy, et quand
vous aurez un moment, un pichet de bière, votre meilleure tourte et un peu de
pain frais, s’il vous plaît.
    — Vous devriez prendre la table dans le coin, vous ne
serez pas ennuyés là-bas, répondit-elle gentiment avant de se précipiter vers
la cuisine.
    — Je venais tout le temps ici, m’expliqua Sidney. La
taverne est tout près de Christ Church et on y trouvait une compagnie plus
variée qu’au collège quand j’étais étudiant, si tu vois ce que je veux dire.
Nous serons bien traités, crois-moi, ils savent que je suis généreux.
Maintenant, Bruno, parle-moi de cette affaire. »
    Il se rejeta en arrière et croisa les bras avec l’allure de
quelqu’un qui attend qu’on le divertisse. Je ne pus m’empêcher de penser qu’il
prenait la mort d’un homme un peu trop à la légère. On eût dit qu’il espérait
une anecdote amusante. En cela, il me rappelait Gabriel Norris. Peut-être
était-ce un trait des hommes bien nés, me dis-je : leur soif d’aventures
s’explique par une vie que l’absence de soucis quotidiens rend trop facile, et
donc ennuyeuse. J’allais me lancer dans mon récit quand Lizzy nous amena un
pichet de bière, deux chopes et un pain que Sidney rompit immédiatement en m’en
tendant un morceau.
    La bouche à moitié pleine, je lui dis tout ce qui était
arrivé à partir du moment où j’avais été réveillé à l’aube par les atroces
aboiements du chien. Lorsque j’arrivai à la partie concernant les grilles, son
expression suffisante disparut et il se pencha vers moi, aux aguets, les yeux
brillants.
    « Tu soupçonnes un acte criminel ? » me
demanda-t-il tandis que l’hôtesse revenait avec une énorme tourte.
    Quand elle fut partie, je lui racontai mon intrusion dans la
chambre de Roger Mercer, l’irruption de Slythurst et la conversation que
j’avais eue avec le gardien. Enfin je me tus et Sidney siffla entre ses dents.
    « Une histoire extraordinaire, dit-il en ayant l’air
d’avoir peine à y croire. Alors tu supposes que quelqu’un a lâché le chien
exprès, puis a fouillé la chambre à la recherche d’un objet de valeur ?
    — Tout le mystère est là, répondis-je. Ce n’est pas un
objet de valeur au sens habituel, car celui qui a fait le coup ne s’est pas
intéressé aux dix livres qu’il portait sur lui, ni au coffre rempli de pièces
dans sa chambre. Mais voilà ce que je n’arrive pas à débrouiller :
quelqu’un l’a attiré dans le jardin en prétextant un rendez-vous, un homme à
qui il devait apparemment de l’argent. Donc, pourquoi n’avoir pas pris l’argent
après l’avoir tué ?
    — Il ne s’agit pas forcément d’une dette, remarqua
Sidney, la bouche pleine. Ce quelqu’un n’aurait-il pas pu avoir quelque chose à
vendre ? »
    Je réfléchis un instant.
    « Mais que peut-on acheter à une heure pareille, et
dans ce jardin ? Tu penses à un genre de contrebande ? »
    Sidney me regarda avec un sourire malin aux lèvres.
    « Réfléchis, Bruno. Qu’achète un homme sous le couvert
de l’obscurité ? »
    Je

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