Le prix de l'indépendance
l’impression d’être observé, la nuit en particulier. Les suivait-il ? Probablement, car il n’était pas apparu si soudainement par accident.
Le vieillard était donc retourné aux ruines de la Grande Maison, croyant pouvoir récupérer l’or une fois oncle Jamie parti. Ian se demanda s’il avait tué la truie blanche mais écarta rapidement cette pensée. Son oncle lui avait expliqué que cette créature était sortie des enfers et était donc indestructible. Il était porté à le croire.
Il baissa les yeux vers Rollo endormi à ses pieds. Le chien avait les oreilles à demi dressées. Si quelqu’un approchait, il l’entendrait. Ian se détendit légèrement mais conserva son couteau, qu’il ne quittait jamais, même pendant son sommeil.
Il ne se méfiait pas seulement d’Arch Bug, des maraudeurs et des bêtes sauvages. Il lança un regard de l’autre côté du feu où Hermione et Trudy étaient enroulées dans sa couverture… ou auraient dû l’être. La couverture était savamment rembourrée pour donner l’illusion de recouvrir deux corps mais une rafale en avait soulevé un coin Il n’y avait personne dessous.
Il ferma les yeux, exaspéré, puis les rouvrit et s’adressa à son chien :
— Pourquoi tu n’as rien dit ? Tu les as sûrement vues partir, non ?
— On n’est pas parties, dit une petite voix bourrue derrière lui.
Il se retourna brusquement et les découvrit accroupies chacune d’un côté de sa sacoche ouverte, cherchant de la nourriture.
— On avait faim, expliqua Trudy avant d’engouffrer le restant d’une galette de maïs.
— Mais je vous ai nourries !
Il avait abattu plusieurs cailles et les avait cuites dans la terre. Certes, cela n’avait pas été un festin mais…
— On a encore faim, répondit Hermione avec une logique imparable.
Elle se lécha les doigts puis rota.
Il ramassa une bouteille en grès qui roulait à ses pieds.
— Vous avez bu toute la bière ?
— Hmm-hmmm, fit-elle avant de se laisser tomber sur ses fesses.
Ian reprit sa sacoche des mains de Trudy.
— Vous ne pouvez pas voler nos propres provisions ! Si vous avalez tout maintenant, nous mourrons de faim avant d’arriver… là où nous devons arriver.
— Si on mange pas, on va crever tout de suite, rétorqua Trudy. Mieux vaut mourir de faim plus tard.
Hermione se balançait doucement d’avant en arrière telle une petite fleur fanée dans le vent.
— Où on va, d’ailleurs ?
— A Cross Creek. C’est la première vraie ville sur notre route. J’y connais des gens.
Restait à savoir si les gens en question pourraient les aider… Quel dommage que sa grand-tante Jocasta ne soit plus à River Run ! Il aurait pu lui confier les filles. Mais elle avait émigré en Nouvelle-Ecosse avec son mari, Duncan. Il y avait bien son ancienne esclave, Phaedre… N’était-elle pas devenue serveuse dans une auberge à Wilmington ?
Hermione s’étendit sur le sol et ouvrit grands les bras en demandant :
— Cross Creek… c’est aussi grand que Londres ?
Rollo s’approcha pour la renifler, la faisant glousser de rire. Un son d’une innocence désarmante qui ne lui ressemblait guère.
— Ça va pas, Hermie ? lui demanda sa sœur.
Trudy vint s’accroupir à ses côtés, l’observant avec inquiétude. Ayant fini d’inspecter Hermione, Rollo tourna son attention vers elle, qui se contenta de repousser son museau inquisiteur. Hermione fredonnait un air discordant.
Ian lui lança un bref regard et conclut :
— Elle va bien. Elle est juste un peu soûle.
— Ah.
Rassurée, Trudy s’assit et serra les genoux contre sa poitrine.
— Papa était souvent soûl lui aussi. Sauf qu’il gueulait et qu’il cassait des trucs.
— Vraiment ?
— Ouais. Une fois, il a même cassé le nez de maman.
— Ah ? fit simplement Ian, à court de réponse.
— Tu crois qu’il est mort ?
— Je l’espère.
— Moi aussi, dit-elle, satisfaite.
Elle bâilla à s’en décrocher la mâchoire. De là où il se tenait, il sentit l’odeur de ses dents pourries. Puis elle s’allongea à son tour, lovée contre sa sœur.
Ian se releva avec un soupir, alla chercher la couverture et les couvrit toutes les deux, les bordant soigneusement.
Que devait-il faire à présent ? Depuis qu’il les connaissait, les quelques paroles qu’ils venaient d’échanger étaient ce qui se rapprochait le plus d’une conversation. Il ne se faisait pas d’illusion ; ce bref élan de convivialité ne
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