Le prix de l'indépendance
troisième fils, Robert. Son père, Brian, avait tenu à ce qu’il soit baptisé.
Elle se tenait au milieu des tombes. Il y en avait tant ! Bon nombre des plus récentes étaient encore lisibles, celles de la fin du XIX e siècle. Il s’agissait pour la plupart de McLachlan et de MacLean, avec, ici et là, un Fraser et un MacKenzie.
Les plus anciennes étaient trop abîmées pour qu’on puisse lire ce qui y était écrit. On ne distinguait plus que l’ombre de lettres sous les taches noires du lichen et la couche de mousse. Près de la tombe d’Ellen se trouvait une petite dalle carrée sous laquelle était ensevelie Caitlin Maisri Murray, le sixième enfant de Jenny et de Ian, qui n’avait vécu qu’une journée. Jenny l’avait montrée à Brianna puis s’était baissée pour la caresser doucement de la main et y déposer une rose jaune cueillie sur le sentier. Autrefois, il y avait eu un petit cairn… des cailloux empilés par ceux venus se recueillir. Ils avaient été dispersés depuis longtemps mais Brianna trouva une jolie pierre et la plaça près de la petite tombe.
Il y en avait une autre à côté, tout aussi petite et donc abritant sans doute également un enfant. La pierre était moins abîmée bien qu’aussi ancienne. Elle ne comportait que deux mots. Brianna ferma les yeux et passa lentement les doigts sur la stèle, tentant de déchiffrer les lettres érodées. Il y avait un E dans la première ligne ; un Y dans la seconde, et peut-être un K.
Quel nom dans les Highlands commence par un Y ? s’étonna-t-elle. Il y a bien McKay mais les lettres sont à l’envers.
Elle demanda à Jem sur un ton hésitant :
— Tu… euh… tu sais quelle est la tombe de grand-père ?
Elle avait presque peur d’entendre la réponse.
— Non.
Il parut surpris et suivit son regard. Apparemment, il n’avait pas fait le rapprochement entre les stèles et son grand-père.
— Il a juste dit qu’il aimerait être enterré ici et que, si j’y venais, je devais lui laisser un caillou. Alors c’est ce que j’ai fait.
— Où ?
— Là-haut. Il aime bien être en hauteur, là d’où il peut voir.
Il pointait le doigt vers la colline. Juste au-delà de l’ombre du broch, elle apercevait un passage qui n’était plus vraiment un sentier à travers une masse d’ajoncs, de bruyères et de pierres affleurantes. Tout au bout, au sommet, se dressait un gros rocher irrégulier et, sur le côté, à peine visible, une pyramide de pierres.
— Tu les as toutes empilées aujourd’hui ?
— Non, j’en rajoute chaque fois que je viens. C’est pas ce qu’on doit faire ?
Elle déglutit pour dénouer le nœud dans sa gorge et sourit.
— Si, je vais aller en mettre une moi aussi.
Mandy s’était assise sur une stèle couchée et avait disposé autour d’elle une dînette improvisée en feuilles de bardane. Au centre, elle avait placé la vieille tasse à thé qu’elle était allée déterrer. Elle papotait poliment avec les invités invisibles de son goûter. Brianna décida qu’il était inutile de la déranger et suivit Jem le long du chemin escarpé, gravissant la dernière partie pratiquement à quatre pattes.
Si près du sommet, le vent était plus fort et les moucherons moins nombreux. Moite de transpiration, elle ajouta cérémonieusement sa pierre au cairn puis s’assit pour admirer la vue. De là, on pouvait voir la quasi-totalité du domaine de Lallybroch ainsi que la route qui menait à l’autoroute. Elle la fixa un moment mais ne vit aucun signe de la Mini Morris orange de Roger.
C’était agréable, si haut. Paisible, avec juste le soupir du vent frais et le bourdonnement des abeilles s’affairant dans les fleurs jaunes. Pas étonnant que son père ait aimé…
— Jem ?
Il était confortablement affalé contre le rocher, contemplant les collines environnantes.
— Oui ?
Elle hésita mais la question lui brûlait les lèvres.
— Tu… tu ne vois pas vraiment ton grand-père, n’est-ce pas.
Il lui adressa un regard surpris.
— Non. Il est mort.
— Ah.
Elle était à la fois soulagée et un peu déçue.
— Je sais. Je… je me demandais simplement.
— Je crois que Mandy, elle, elle peut.
Il pointa le menton vers sa petite sœur, point rouge vif dans la végétation en contrebas.
— Mais c’est difficile à dire. Les bébés discutent avec un tas de gens que les autres ne voient pas. C’est grand-mère qui le dit.
Elle ne savait pas si elle aurait préféré
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