Le prix de l'indépendance
inspiration et s’avança d’un pas.
Il se plaça près du cercueil de Mme Bug, face à son veuf, et hésita, visiblement avec l’intention de parler. Pendant un long moment, Arch garda les yeux baissés vers le fond de la fosse sans lui prêter attention, puis il releva un visage impassible, dans l’expectative.
Ian déglutit péniblement.
— C’est… c’est par ma main que cette femme exceptionnelle a trouvé la mort. Je ne l’ai pas fait par malice, ni intentionnellement. Cela m’afflige profondément mais je n’en suis pas moins responsable.
Percevant le désarroi de son maître, Rollo se mit à gémir mais Ian posa une main sur sa tête, ce qui le calma aussitôt. Il décrocha ensuite son coutelas de sa ceinture et le déposa sur le cercueil devant Arch Bug. Puis il se redressa et le regarda dans le blanc des yeux.
— Un jour où l’on vous avait fait un grand tort, vous avez prêté allégeance à mon oncle et offert une vie pour une vie afinde sauver cette femme. Je vous fais aujourd’hui la même promesse.
Il pinça les lèvres, le regard sombre et grave, et ajouta :
— Peut-être n’étiez-vous pas sincère alors, mais je le suis.
Je me rendis compte que je retenais ma respiration. J’inspirai profondément. Etait-ce une idée de Jamie ? Apparemment, Ian pensait ce qu’il disait. Il y avait peu de chances qu’Arch le prenne au mot et lui tranche la gorge devant une dizaine de témoins, si assoiffé de vengeance soit-il. En outre, s’il déclinait publiquement son offre, cela ouvrait la voie à un accord moins formel et sanglant, ce qui soulagerait Ian d’une partie de son fardeau. Maudits Highlanders, pensai-je en regardant Jamie non sans admiration.
Je sentais des décharges électriques le parcourir, chacune réfrénée. Il n’interviendrait pas dans la tentative de rédemption de son neveu mais il ne pouvait non plus le laisser se sacrifier si Arch optait pour le sang. Apparemment, il l’en considérait capable. En jetant un coup d’œil à Arch, je fus plutôt de son avis.
Le vieillard dévisagea longuement Ian, ses épais sourcils hérissés de longs poils gris et frisés. Ses yeux étaient tout aussi gris, et froids comme l’acier.
— C’est trop facile, mon garçon, déclara-t-il d’une voix grinçante.
Il baissa les yeux sur Rollo debout près de son maître, les oreilles dressées et le regard méfiant.
— Me donneras-tu la vie de ton chien ?
Le masque de Ian se fissura l’espace d’un instant, le choc et l’horreur le faisant soudain paraître très jeune. Il reprit contenance rapidement, mais ce fut d’une voix brisée qu’il répondit :
— Non. Il n’a rien fait. C’est… c’est mon crime, pas le sien.
Arch sourit, à peine un mouvement des lèvres qui ne se refléta pas dans son regard.
— Tu vois… De toute façon, ce n’est qu’une bête infestée de puces. Pas une épouse.
Il avait à peine murmuré le mot « épouse ». Il s’éclaircit la gorge et regarda fixement Ian, puis Jamie, puis moi.
Mon sang déjà glacé se figea.
— Pas une épouse, répéta-t-il.
Lentement, il dévisagea à nouveau chaque homme, Jamie, Ian. Il s’arrêta sur ce dernier un instant qui parut durer une éternité. Puis il déclara calmement :
— Le jour où tu auras quelque chose qui vaudra la peine d’être pris, mon garçon, on se reverra.
Il tourna les talons et marcha en direction des arbres.
5
Petit guide moral à l’attention des voyageurs dans le temps
Il y avait une lampe sur son bureau mais, le soir venu, Roger préférait écrire à la chandelle. Il sortit une allumette de sa boîte et la gratta doucement. Après avoir lu la lettre de Claire, il ne pourrait probablement plus jamais en tenir une entre les doigts sans penser à l’incendie de la Grande Maison. Comme il aurait voulu être présent ce jour-là !
La flamme se rétracta quand il l’approcha de la mèche et la cire translucide de la bougie refléta, l’espace d’un instant, une légère lueur bleutée. Il jeta un regard vers Mandy assise sur le canapé, occupée à chanter une chanson à ses peluches. Elle avait pris son bain et il était chargé de la surveiller pendant que Jem prenait le sien. L’observant du coin de l’œil, Roger s’assit derrière son bureau et ouvrit son cahier.
Il l’avait commencé en partie comme une plaisanterie… et en partie parce qu’il n’avait rien trouvé d’autre pour lutter contre cette peur qui le paralysait.
Brianna lui
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