Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prix du sang

Le prix du sang

Titel: Le prix du sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
gauche se promenait d’un wagon à l’autre en hurlant :
    â€” Le salaud, on va le pendre au premier arbre! Il défend la conscription.
    Ce crime lui semblait justifier une exécution sommaire. En prononçant ces mots, il faisait tourner la corde passée sur ses épaules. Elle se terminait par une boucle fermée par un nœud coulant digne du meilleur bourreau de l’Empire.
    â€” Nous sommes en bonne compagnie, observa Édouard en prenant son siège, près de la fenêtre.
    â€” L’un des honorables membres du parti au pouvoir au gouvernement provincial sait dans quelles tavernes de Québec recruter ses militants, précisa son voisin.
    â€” Deux dollars et une bouteille de gin réussissent des miracles pour le travail d’élection. Nous reviendrons ce soir dans un concert de vomissements sonores.
    Le train s’arrêta dans la paroisse de Saint-Anselme, déversa ses passagers dans le petit village du comté de Dorchester. Tout près de l’église, en face du magasin général, une estrade de poutre et de planche disparaissait presque totalement sous l’abondance des drapeaux du Royaume-Uni. Albert Sévigny se trouvait déjà à l’œuvre, au milieu d’une poignée de partisans, haranguant une petite foule de cultivateurs et de notables venus des paroisses environnantes.
    â€” Nous devons faire notre devoir, nous porter à la défense de notre mère patrie. Nous le devons à notre dignité. Présentement, les accusations de lâcheté viennent de partout…
    â€” Albert, tu devrais t’enrôler pour nous refaire une réputation! hurla l’un des nouveaux arrivés.
    â€” C’est vrai, reprit l’un des habitants. Au lieu de prendre nos garçons, vas-y toi-même.
    D’autres entamèrent le Ô Canada de toutes leurs forces afin de couvrir la réponse du politicien. Quelques hommes quittèrent l’estrade et marchèrent vers les fauteurs de trouble d’un pas résolu pour se faire recevoir par des coups de poing précis. Les quelques cultivateurs assez imprudents pour réclamer le silence connurent le même sort. Très vite, la foule se dispersa et les Union Jack arrachés à l’estrade se retrouvèrent dans la boue de novembre.
    Les manifestants, menaçants, s’approchèrent tout près de la construction sommaire. Le ministre du Revenu marcha jusqu’au fond de la scène et sauta sur le sol pour courir vers un petit hôtel avec son escadron de fidèles.
    â€” On va le lyncher, le salaud! hurla le matamore de la Basse-Ville en faisant tournoyer sa corde au-dessus de sa tête.
    Les hommes entourèrent le petit bâtiment et cherchèrent à ouvrir la porte, heureusement verrouillée.
    â€” Albert, viens nous voir, cria encore le fier-à-bras, j’ai une nouvelle cravate pour toi!
    Le siège s’amorça tout de même dans une atmosphère bon enfant, au son du Ô Canada et de La Marseillaise . Chacun transportait une flasque dans sa poche, prenait une gorgée, puis tendait la bouteille à son voisin immédiat. De temps en temps, un conservateur déplaçait un peu un rideau afin de voir si la foule se dispersait. Chaque fois, les cris redoublaient, des menaces mêlées aux railleries. Aussi tard dans la saison, l’obscurité se répandit très tôt sur le village. Les derniers cultivateurs, agacés de se voir privés d’une belle assemblée, rentrèrent chez eux. Seuls de jeunes garçons erraient devant l’hôtel, désireux d’assister à une grande bagarre.
    â€” Nous t’attendons toujours, Sévigny! hurla quelqu’un.
    â€” Viens essayer la jolie cravate.
    En début de soirée, l’impatience gagna tout de même les travailleurs d’élection. Une première pierre perça une fenêtre du rez-de-chaussée de l’établissement, d’autres suivirent le même chemin.
    â€” Cela devient un peu trop fort pour moi, commenta Édouard.
    Depuis trois heures, le jeune homme battait la semelle sur le trottoir de bois, un peu à l’écart. Après le coucher du soleil, la température était très vite descendue.
    â€” Ils se prennent vraiment au sérieux, répondit Drouin sur le même ton lassé. Nous pourrions aller nous asseoir dans le train, mais il ne rentrera pas à

Weitere Kostenlose Bücher