Le prix du sang
contact.
â Maman a parlé de fuite dans les bois.
â Sâils se font prendre, cela aggravera leur situation. Cela pourrait vouloir dire cinq ans de prison.
â Sâils ne veulent pas se faire capturer, personne ne les trouvera.
â Tôt ou tard, ils devront en sortir.
Lâhomme regretta dâinquiéter la domestique. De nouveau, il toucha son bras, puis voulut se faire rassurant :
â Mais cette guerre ne durera pas toujours⦠Après, tout rentrera dans lâordre.
Elle le fixa tout en vidant son verre. Quand, dix minutes plus tard, Fernand monta à lâétage, il trouva Eugénie dans lâembrasure de la porte de sa chambre.
â Vos conversations durent bien longtemps, grogna-t-elle.
â Ses frères ont été convoqués à nouveau. Elle sâinquiète.
â Ãlise Caron prétendait que tu étais un homme bon. Tu entends le lui prouver?
Le notaire la contempla un moment, puis confessa :
â Elle avait raison. Câest une qualité qui nâest pas appréciée de toutes, malheureusement.
Il continua vers la chambre du fond. Coucher seul ne lui épargnait même pas ce genre de surveillance.
* * *
Le mois de mai ramena le vert aux arbres, des journées plus chaudes et lâespoir dâune vie meilleure. Au moment où le magasin ouvrait ses portes, Thalie mettait ses gants, prête à sortir. Marie la contempla, admirative. Lâadolescente disparaissait, une jolie femme prenait sa place.
â Je me confesse, une partie de moi aimerait que tu échoues. Une toute petite partie voudrait te garder ici pour toujours. Mais le reste de ma personne souhaite ta réussite et la réalisation de tes rêves.
â Je tâaime en entier, autant le petit bout mère poule que le reste.
Pendant un long moment, elles sâenlacèrent. Puis, lâétudiante sâécarta.
â Je dois prendre le train.
â Oui, bien sûr. Sauve-toi.
Françoise se tenait près de la porte. Elle embrassa son amie.
â Bonne chance. Montre à tous ces Anglaisâ¦
Lâémotion déroba les derniers mots.
â Merci. Et toi, essaie de ne pas trop tâen faire. Je suis sûre que Mathieu va bien, je sens quâil mâaccompagnera aujourdâhui. Je suppose que depuis la ligne de front, les lettres sont acheminées irrégulièrement. Ce long silence ne veut rien dire.
La jolie châtaine acquiesça de la tête en essuyant une larme furtive du bout de ses doigts.
Thalie emprunta la rue de la Fabrique et continua tout droit vers lâun des nombreux escaliers conduisant à la Basse-Ville. Elle arriva à la gare à temps pour monter dans le train, juste derrière une jolie blonde. Cette dernière transportait une valise assez lourde, tellement quâau moment de la mettre sur le rangement au-dessus des banquettes, elle nây arriva pas.
â Attendez, je vais vous aider.
à deux, elles casèrent le bagage à sa place.
â Vous voyagez bien équipée, commenta la petite femme aux cheveux noirs.
â Et vous, très léger.
Thalie nâavait quâun petit porte-document de cuir à la main.
â Vous voulez de la compagnie?
â Oui, bien sûr.
Après sâêtre assises côte à côte, la plus jeune des deux tendit la main en disant :
â Thalie Picard.
â ⦠Vous êtes apparentée aux Picard du magasin?
â Non⦠Enfin, oui, mais de très loin.
La réponse rassura lâautre, qui accepta la main tendue.
â Clémentine LeBlanc.
Après un silence, elle poursuivit :
â Vous allez à Montréal afin de trouver du travail?
â Non. Je vais passer les examens dâentrée à lâUniversité McGill.
â Oh! Vous êtes savante.
Une ironie un peu jalouse marqua sa voix. Elle ajouta, afin de ne pas en rester là  :
â Vous êtes inquiète du résultat?
â Pas vraiment. Jâai travaillé comme une folle. Si ce nâest pas suffisant pour eux, tant pis. Je ne peux pas faire mieux.
Thalie mentait un peu. La directrice du Quebec High School lâavait assurée de son succès. Lâaccès des filles aux études universitaires demeurant trop récent, elle prenait à cÅur la réussite de chacune des candidates et ne les laissait sâaventurer à lâexamen que fin
Weitere Kostenlose Bücher