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Le quatrième cavalier

Le quatrième cavalier

Titel: Le quatrième cavalier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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oublié, sur le rivage de l’Uisc.
    « Archange ». Alfred l’avait baptisé de ce nom que
je détestais. Un navire aurait dû avoir un nom fier, et non ce terme pieux et
pleurnichard ; sa haute proue aurait dû être ornée d’une tête de dragon
pour défier la mer, ou d’une tête de loup menaçante pour terrifier l’ennemi. Parfois,
je montais à bord de l’épave, constatais les pillages des villageois, l’eau qui
en remplissait la coque, et je me rappelais le temps où il affrontait les flots
et le vent, et le fracas des bateaux danes que nous éperonnions.
    À présent, tout comme moi, l’ Heahengel était à l’abandon.
Parfois, je rêvais de le réparer, de le ragréer d’une voile neuve et de partir
avec des hommes sur la mer. Je voulais être n’importe où sauf ici, être avec
les Danes.
    — Tu ne pourras me faire vivre avec ce peuple ! pleurait
chaque fois Mildrith.
    — Et pourquoi ? J’ai bien pu, moi.
    — Ce sont des païens ! Mon fils deviendrait un
païen !
    — C’est le mien aussi. Et il adorera les dieux que je
vénère.
    Elle pleurait de plus belle et je repartais à la chasse avec
mes chiens en me demandant pourquoi l’amour tournait aigre comme le lait. Après
Cynuit, j’avais tant voulu la retrouver, et à présent je ne supportais pas plus
sa piété et ses jérémiades qu’elle n’endurait mes colères. Elle voulait
simplement que je laboure mes champs, traie mes vaches et engrange les récoltes
pour payer l’énorme dette qu’elle m’avait apportée en dot : son père avait
fait le serment de donner à l’Église le fruit de la moitié de ses terres. La
promesse le liait comme ses héritiers, mais les pillages des Danes et les
mauvaises récoltes l’avaient ruiné. Pourtant, l’Église, aussi venimeuse que
serpents, tenait à ce que la dette fût payée, sans quoi elle saisirait notre
terre. Odda le Jeune, fêté comme le héros du Wessex, avait reçu toute la terre
où s’était déroulée la bataille de Cynuit et y avait ordonné l’édification d’une
église. On disait qu’elle aurait un autel d’or pour remercier Dieu d’avoir
sauvé le Wessex.
    Mais pour combien de temps ? Guthrum était encore en
vie et je ne voulais pas croire comme les chrétiens que Dieu avait accordé la
paix au Wessex. Alfred retourna à Exanceaster, où il convoqua son witan, le
conseil des grands thanes du royaume et du clergé ; Wulfhere de Wiltunscir
en faisait partie. Un soir que j’étais en ville, j’appris que l’ealdorman et sa
suite étaient logés à l’enseigne du Cygne, une taverne près de la porte est. Il
n’y était pas, mais Æthelwold avait entrepris de boire à lui seul toute l’ale
de l’auberge.
    — Ne me dis pas que ce bâtard t’a convoqué au witan ? me dit-il d’un ton aigre.
    — Non, je suis venu voir Wulfhere.
    — L’ealdorman est à l’église, et pas moi, ricana Æthelwold
en me désignant le banc en face de lui. Assieds-toi et bois. Enivre-toi. Ensuite,
nous irons chercher deux filles. Trois si tu veux, ou même quatre.
    — Tu oublies que je suis marié.
    — Comme si cela retenait quiconque.
    — Fais-tu partie du witan  ? demandai-je
alors qu’une servante m’apportait de l’ale.
    — À ton avis ? Penses-tu que ce bâtard d’Alfred a
besoin de mes conseils ? « Seigneur notre roi, je lui dirais, et si
tu sautais d’une falaise en priant Dieu qu’il te donne des ailes ? »
(Il poussa un plat de côtes de porc vers moi.) Je suis ici pour qu’il puisse m’avoir
à l’œil. On s’assure que je ne fomente point de trahison.
    — Et complotes-tu ?
    — Bien entendu, sourit-il. Me rejoindras-tu ? Tu
me dois une faveur.
    — Tu veux que mon épée soit à ton service ?
    — Oui.
    Il ne plaisantait pas.
    — Alors nous ne serons que toi et moi contre tout le
Wessex. Qui d’autre est avec nous ?
    Il réfléchit, mais ne trouva aucun nom à me donner et baissa
la tête en regardant fixement la table. J’eus de la peine pour lui. Je l’avais
toujours apprécié, mais personne ne lui ferait jamais confiance, car il était
aussi imprudent qu’irresponsable. Alfred l’avait bien jugé. Livré à lui-même, il
s’abandonnait aux femmes et à la boisson jusqu’à la déraison.
    — Je devrais plutôt rejoindre Guthrum, dit-il.
    — Pourquoi ne le fais-tu point ?
    Il me regarda sans répondre. Peut-être savait-il qu’en
réalité Guthrum l’accueillerait, l’honorerait et l’utiliserait,

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