Le quatrième cavalier
grain et ferait une arme en soi s’il parvenait à me frapper.
Mais sa grande arme était l’immense épée, longue et lourde comme je n’en avais
jamais vu.
Huppa vint à moi, suivi de deux gardes. Ses pieds s’enfonçaient
dans l’herbe. Le sol devait être traître.
— Uhtred d’Oxton, es-tu prêt ? me demanda-t-il.
— Mon nom est Uhtred de Bebbanburg.
— Es-tu prêt ? répéta-t-il.
— Non.
Un murmure s’éleva parmi les spectateurs les plus proches de
moi et se répandit dans la foule qui commença à me huer. On me prenait pour un
couard, et d’autant plus lorsque je lâchai bouclier et épée puis me fis aider
par Leofric pour ôter ma lourde cotte. À côté de son champion, Odda le Jeune se
mit à rire.
— Que fais-tu ? me demanda Leofric.
— J’espère que tu as misé sur moi.
— Bien sûr que non.
— Refuses-tu de te battre ? demanda Huppa.
— Non.
Une fois débarrassé de mon armure, je repris Souffle-de-Serpent.
Rien d’autre. Ni casque, ni bouclier, rien que ma chère épée. À présent, j’étais
libéré de tout fardeau. Le sol était lourd, Steapa caparaçonné, mais moi j’étais
léger, et vif.
— Je suis prêt, dis-je à Huppa.
Il alla au centre de la prairie, leva le bras, l’abaissa, et
la foule exulta.
J’embrassai mon amulette, confiai mon âme au grand Thor et m’avançai.
Steapa vint à ma rencontre, bouclier levé, épée dans la main
gauche. Il n’avait nullement l’air inquiet. C’était un ouvrier attelé à sa tâche
et je me demandai combien d’hommes il avait occis. Il devait penser que m’abattre
serait facile, car je n’avais aucune protection, pas même un bouclier. Arrivé à
une dizaine de pas, je courus vers lui, feintai à droite vers son épée, obliquai
à gauche et le dépassai sans cesser de courir. Je sentis son énorme lame
siffler tandis qu’il se tournait, mais j’étais derrière lui, je m’agenouillai, esquivai,
me redressai et poussai mon épée en avant.
Elle perça sa cotte derrière l’épaule gauche, mais il fut
plus rapide que je ne pensais. Il se retourna, je reculai vivement de deux pas.
J’attaquai de nouveau à gauche et il se jeta sur moi, espérant m’écraser sous
son bouclier. Mais j’esquivai à droite et nos épées s’entrechoquèrent en
sonnant comme le glas du Jugement dernier. Le sol était spongieux. Je craignais
de glisser, mais la vitesse était mon arme. Je devais continuer de le faire
tourner dans le vide en saisissant chaque occasion de le frapper de la pointe
de Souffle-de-Serpent. Si je le saignais assez, il se fatiguerait. Devinant ma
tactique, il entreprit de faire de brefs écarts pour m’agacer, tout en donnant
des coups d’épée. Il voulait m’obliger à parer et espérait briser mon arme. Je
le craignais : si elle était bien forgée, même les meilleures épées se
peuvent briser.
Steapa me força à reculer jusqu’à la foule, espérant m’y
coincer et me déchiqueter devant les spectateurs. Je le laissai faire, et au
dernier instant je me baissai en feignant de glisser. Une femme poussa un cri
en le voyant abattre son épée. J’esquivai, mais je pris un coup de bouclier à l’épaule.
J’enfonçai la pointe de Souffle-de-Serpent dans son dos entre les côtes. Il se
retourna, mais je m’étais déjà relevé et reculais.
Je m’arrêtai à dix pas. Il en fit autant et me considéra, perplexe.
Pas inquiet, seulement intrigué. Il avança son pied gauche, comme m’en avait
prévenu Harald, espérant que je l’attaquerais. Je souris et changeai mon épée
de main. Cela l’intrigua plus encore. Peut-être étais-je de ceux qui peuvent se
battre indifféremment d’une main ou de l’autre…
— Pourquoi te nomme-t-on Steapa Snotor ? demandai-je.
Tu n’es point malin. Tu as autant de cervelle qu’un œuf gâté.
J’essayais de l’enrager en espérant que la colère lui ferait
perdre prudence, mais il resta impassible. Il marcha calmement vers moi, fixant
l’épée dans ma main gauche. Il frappa un peu trop tard, pensant que j’allais
esquiver, mais je ripostai et entendis ma lame racler la cotte de mailles de
son bras. Je changeai de nouveau Souffle-de-Serpent de main, me jetai sur lui
et l’évitai au dernier instant, si bien qu’il me manqua de nouveau.
Il était toujours aussi perplexe. On aurait dit un chien
combattant un taureau. Le taureau, c’était lui, et il cherchait à me mettre
dans une position où il pourrait utiliser
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