Le quatrième cavalier
arrivaient.
— Tu le dis allié, observai-je. Cela en fait-il
simplement un ami, ou un homme qui se battra pour Guthrum ?
— Il a juré de se battre pour nous, et fait serment de
combattre pour le roi saxon.
— Le roi saxon ? répétai-je sans comprendre. Alfred ?
— Non point. Le vrai roi. Le fils de l’autre.
Ragnar voulait parler d’Æthelwold, héritier du frère d’Alfred,
le roi Æthelred. Quand les Danes s’emparaient d’un royaume saxon, ils y
nommaient roi un Saxon pour donner à leur conquête un semblant de légitimité, même
si le Saxon ne durait jamais longtemps. Guthrum, qui se faisait déjà appeler
roi d’Estanglie, voulait aussi être roi de Wessex ; mais en mettant Æthelwold
sur le trône, il pouvait rallier d’autres Saxons qui se convaincraient qu’ils
combattaient pour l’héritier légitime. Et une fois la loi dane établie, Æthelwold
serait discrètement exécuté.
— Mais Wulfhere se battra pour vous ? insistai-je.
— Bien sûr ! S’il veut garder sa terre. Mais
quelles batailles ? Nous sommes assis là comme moutons sans rien faire !
— C’est l’hiver.
— Le meilleur moment pour se battre. Il n’y a rien d’autre
à faire. (Il voulut savoir où j’étais depuis Yule et je prétendis être dans le
Defnascir. Il pensa que je protégeais ma famille et que j’étais venu à
Cippanhamm le rejoindre.) Tu n’as point prêté allégeance à Alfred, n’est-ce pas ?
demanda-t-il.
— Qui sait où il se trouve ? éludai-je.
— Tu lui as fait serment, me reprocha-t-il.
— Certes, répondis-je sans mentir, mais seulement pour
un an, et cette année est révolue depuis longtemps.
Ce n’était pas un mensonge : je ne lui disais
simplement pas que j’avais de nouveau prêté serment.
— Alors tu peux te joindre à nous ? demanda-t-il
avec empressement. Tu me prêteras serment ?
— Tu veux que je prête serment pour rester ici à ne
rien faire ? plaisantai-je, alors que sa requête me troublait réellement.
— Nous faisons quelques expéditions, se défendit-il, et
des hommes gardent le marais. C’est là que se trouve Alfred, dans les marais. Mais
Svein l’en fera sortir.
Guthrum ne savait donc point encore que la flotte de Svein
était en cendres.
— Alors pourquoi restez-vous ici ?
— Parce que Guthrum ne veut point diviser son armée.
Je souris à cela, car je me souvenais du grand-père de Ragnar
conseillant à Guthrum de ne jamais refaire cela. Guthrum l’avait divisée à la
bataille de la colline d’Æsc, et cela avait été la première victoire des Saxons
sur les Danes. Il avait recommencé quand il avait abandonné Werham pour
attaquer Exanceaster, et la fraction de son armée partie par la mer avait été
presque entièrement détruite par une tempête.
— Je lui ai dit que nous devions diviser l’armée en
douze parties, dit Ragnar. Prendre une douzaine de villes et les garnir. Toutes
ces villes du sud du Wessex, nous devrions nous en emparer, mais il ne veut
rien entendre.
— Guthrum détient le Nord et l’Est, dis-je comme si je
le défendais.
— Et nous devrions avoir le reste ! Au lieu de
cela, nous attendons le printemps dans l’espoir que d’autres nous rejoignent. Ce
qu’ils feront. Il y a de la terre, ici, de la bonne terre. (Il semblait avoir
oublié la question du serment, et il parla de nos ennemis Kjartan et de son
fils Sven qui prospéraient à Dunholm, et n’osaient quitter leur forteresse tant
ils craignaient la vengeance de Ragnar. Ils avaient capturé sa sœur et la
détenaient encore, et Ragnar, comme moi, avait juré de les tuer.) Quand nous en
aurons fini avec le Wessex, me promit-il, nous irons au nord. Toi et moi. Nous
porterons le fer contre Dunholm.
— Le fer contre Dunholm ! répétai-je en levant ma
chope.
Je ne bus guère. Je me disais seulement que, d’une simple
parole, je pouvais anéantir Alfred pour toujours. Je pouvais le trahir, le
faire traîner aux pieds de Guthrum et le voir exécuter. Guthrum me pardonnerait
même les insultes à sa mère si je lui livrais Alfred, et je pourrais achever le
Wessex car, hormis Alfred, nul homme n’aurait pu réunir la fyrd autour
de lui. Je pourrais rester avec mon ami Ragnar, gagner d’autres bracelets, me
faire un nom qui serait célébré partout où les Norses iraient sur leurs longs
navires. Et pour cela, il suffisait d’une parole.
Et je fus bien tenté cette nuit-là dans l’église de
Cippanhamm. À
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