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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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doute inspiré par Rosamund qui ne rêvait que de la supplanter sur le trône. Pour comble, un courrier de Louis lui arriva, qui tenait en quelques mots :
    «  Il me peine sincèrement de vous voir si peu considérée par celui qu’hier vous choisîtes pour me remplacer. Et d’autant plus qu’à propos de Toulouse, pour laquelle je me suis porté, hier, contre vous, j’aurais été heureux ce jourd’hui d’être à votre côté. »
    Aliénor se garda de répondre. Non qu’elle doutât de la sincérité du roi de France, mais elle enrageait bien trop de cette évidence pour laisser le droit à quiconque de s’en rengorger. Henri se trouvait en Normandie. Elle fit préparer ses malles.
    — Allons, ma reine, ne peux-tu point te calmer ? tentai-je devant sa colère. As-tu vraiment envie de te confronter à Rosamund ? Car tu te doutes bien qu’elle sera auprès de lui.
    S’arrêtant de mouliner du vent et de gêner le ballet silencieux de ses dames d’atour qui pliaient son linge, Aliénor se planta devant moi et souffla du nez comme un cheval des naseaux.
    — Je l’écraserai telle la punaise qu’elle est, si elle ose seulement me regarder. Mais je doute de sa présence. L’emperesse Mathilde est mon alliée depuis toujours. Ce royaume est son œuvre. Elle ne permettra pas que je sois bafouée sous son toit.
    Je m’accordai à son sentiment. Dès les premières rumeurs, en effet, ma marraine avait fait porter courrier à Aliénor, dans lequel elle se désolait de si méchante affaire et voulait croire que son fils, rappelé à l’ordre et à plus de discrétion, saurait s’en faire pardonner. Aliénor lui avait répondu sur le même ton. En la remerciant de son soutien et de son affection, mais en arguant qu’en ce qui la concernait elle avait donné assez d’enfants à l’Angleterre pour sortir de ce deuxième lit sans rien lui voler. Elle avait conclu son courrier de la même phrase servie à Henri :
    «  Soyez sans inquiétude pour l’unité du royaume, je suis la reine et entends bien le demeurer. »
    Il ne restait plus désormais qu’à le prouver.
    Je me rendis à cette évidence.
    — Soit. Mais je t’accompagne. Pour rien au monde je ne voudrais manquer cette joute.
    Elle me laissa amorcer quelques pas jusqu’à la porte.
    — Loanna…
    — Oui, ma reine ?
    — Qu’adviendra-t-il de moi, de mes enfants, si je ne parviens à me réconcilier avec Henri ?
    D’un timbre appuyé mais avec délicatesse, je chassai les servantes de la pièce, puis, restée seule avec elle, son ire fauchée par cette angoisse soudaine, je vins lui prendre les mains et planter mon regard dans le sien.
    — Est-ce ce que tu veux ? Te réconcilier avec lui ?
    — Il me manque, je ne le peux nier. Mais c’est à notre royaume que je songe. Parfois, je me dis qu’il suffirait que je pardonne, que je ferme les yeux pour que tout redevienne comme avant. A d’autres moments, je me sens incapable d’y arriver. J’imagine une nouvelle grossesse, ma mort et son règne, à elle. Ma colère est si forte alors que…
    — Je sais, ma reine. Je sais.
    Je la pris dans mes bras. Elle posa sa tête sur mon épaule qu’un bliaud de soie verte recouvrait sous ma longue chevelure rousse.
    — Il y a longtemps de cela, le jour de la mort d’Étienne de Blois, j’ai eu une prémonition. Toi et Henri, dressés l’un contre l’autre tandis que l’Angleterre se noyait dans une mare de sang. Le sang de Becket.
    Elle s’écarta, comme piquée par un insecte, ahurie.
    — Ainsi donc, c’est pour cela que tu es revenue à nos côtés ?
    — Pour tenter de l’empêcher, oui. Je veux y croire encore, mais je doute que ce soit en ravalant ton orgueil, car aucun de tes vassaux ne te le pardonnerait.
    Elle hocha la tête, le regard empreint de cette détermination qui lui avait toujours permis d’agir avec rapidité, selon son instinct et sur la foi de notre complicité.
    — Alors, il ne me reste qu’une seule chose à faire. Composer.

41
     
     
    N ous abordions juillet lorsque notre escorte s’engagea sous la herse du castel de Rouen. Un messager ayant prévenu Henri et l’emperesse Mathilde de notre arrivée, tous deux nous attendaient devant le corps de logis, l’emperesse flanquée de son jovial sourire de bienvenue malgré une lassitude évidente, Henri affichant un masque indéfinissable. Anticipant pourtant le geste du portier, il s’avança lui-même pour déplier le marchepied de la

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