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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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voiture et offrir à Aliénor une main amie. Je la sentis hésitante une fraction de seconde et je puis jurer que, sans la présence de ma marraine, elle l’eût refusée. Elle s’y cramponna pourtant, releva de l’autre le bas de son bliaud de soie cramoisie, et descendit.
    — Avez-vous fait bon voyage, ma mie ?
    — Excellent, lui répondit Aliénor en dégageant ses doigts et sans le regarder.
    Le plantant là, davantage surpris de son allure sculptée par les passes d’armes que de sa froideur, elle s’empressa dans les bras tendus de sa belle-mère. Déjà, s’arrachant de la deuxième voiture, les enfants royaux s’avançaient vers leur père. Les plus jeunes à pas feutrés, impressionnés par sa carrure et le trop peu de temps qu’ils avaient passé à ses côtés, les aînés avec déférence. Je les laissai à leur hommage pour, à mon tour, étreindre l’emperesse. Au peu de vitalité qu’elle dégageait, je devins moite et douloureuse. Sans doute perçut-elle mon inquiétude, car, lorsque je m’écartai, elle enveloppa ma joue dans sa paume, comme autrefois en ma petite enfance. Me couvrant de sa vue faible, elle me sourit avec chaleur.
    — Le temps me durait de toi, Canillette…
    Réponse discrète pour me confirmer que le sien était désormais compté. Elle tendit la main vers Eloïn, qui s’était avancée après avoir salué le roi d’une révérence. L’emperesse Mathilde ne lui permit pas de recommencer.
    — … Et de toi aussi, ma beauté.
    Elle l’embrassa avec la même soif de jeunesse. Celle que l’on tente de saisir au vol pour éloigner la faucheuse. Eloïn la pressa plus fort encore, bouleversée comme moi de son aveu discret.
    Derrière nous, le silence n’était troublé que des questions d’Henri à ses enfants. Aliénor, digne, s’était mise en retrait, au côté de Jaufré qui attendait de pouvoir à son tour saluer l’emperesse. Cette dernière le lui accorda d’un sourire, tout en nous accolant à ses flancs par un bras passé autour de nos tailles. Deux bâtons soudain, pour soutenir l’épreuve que les époux royaux allaient lui imposer.
    Henri nous rabattit d’un éclat de rire vers la demeure, l’épaule de Richard dans le creux de son bras.
    — Diantre, mon fils ! Vous me quittâtes en gringalet et je vous vois un homme aux muscles d’acier ! Par quel prodige ?
    Richard coula un œil ravi à sa mère, prête à s’engager dans l’escalier.
    — Un entraînement des plus rigoureux, père, que tous vos enfants suivirent sans discuter.
    — Tous ?
    — Tous, garçons et filles.
    — Ma foi, je n’en vois guère l’utilité pour vos sœurs, mais, vous concernant, c’est un joli résultat. Il vaudra mes félicitations à votre maître d’armes. L’avez-vous amené ?
    — Il vient de nous devancer, père, se rengorgea de fierté Richard en désignant Aliénor.
    Henri tiqua, marqua un arrêt, puis, devant le sourire cynique et l’œil narquois de son épouse, retournée d’un quart vers lui sur la plus haute des marches, il comprit que son fils disait vrai. Il pencha la tête de côté, souligna d’un coup d’œil rapide la tonicité des formes d’Aliénor. Rattrapé par un mauvais pressentiment, il le dissimula sous le ton de la plaisanterie :
    — Je suis heureux de voir que votre mère se soucie autant de vous préparer à la guerre qu’elle œuvre pour la paix.
    S’immobilisant sous la voûte du chambranle, Aliénor pivota cette fois entièrement vers eux, un véritable sourire sur ses traits rajeunis.
    — N’était-ce pas, mon cher mari, la dernière des recommandations que vous me fîtes hier, après la naissance de Jean et juste avant de me quitter ?
    Il ne sut qu’éclater de rire, comme on fuit de l’avant. Personne n’en fut dupe, sinon les enfants.
    La partie était commencée.
    Henri en gagna la seconde manche dans les minutes qui suivirent, lorsqu’il nous apparut clairement que la cour avait été déplacée peu avant notre arrivée.
    — Pour donner à nos retrouvailles plus d’intimité, s’en justifia Henri avec panache.
    Aliénor, bien évidemment, entendit autre discours qui faisait de son retour un affront pour Rosamund. Finement, elle le remercia chaleureusement de s’en être inquiété.
    L’emperesse n’ayant rien changé à son hospitalité, l’heure qui suivit se plut en échanges courtois autour de tisane de fleur d’oranger et d’oublies. Les enfants prenaient leurs marques,

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