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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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serait étalé de tout son long s’il n’avait trouvé roc sous ses bottes et repris un appui inespéré en moulinant des bras. Il en perdit son bouclier mais pas sa colère. Le Breton revenait sur lui. Henri pivota à temps, se brisa les reins en s’arquant sous le choc mais le contint du plat de son épée. Lentement, les muscles tétanisés par l’impact précédent, les traits crispés par l’effort, il se redressa. Le bougre refusait de céder. Henri lui lança son poing ganté de fer en travers de la mâchoire. Une fois, deux fois. A la troisième, l’homme recula. Assez pour qu’Henri reprenne son équilibre et son mordant. Mais pas son bouclier. De sa main gauche, il arracha un poignard à sa ceinture puis revint à la charge. Tout près de lui, Salisbury écaillait de coups sauvages la résistance de son adversaire. Il en fit de même, cherchant le fer de sa main droite, tout en protégeant son flanc gauche. Au lieu de frapper sa lame, chaque fois le Breton esquivait d’un bond de côté, espérant sans doute l’épuiser. Pour jouter encore, une pluie drue et froide se mit à tomber. Henri en avait assez. Il réaffirma sa poigne. Attendit cette fois, bien campé sur cette portion de roche qu’il venait de retrouver. L’autre s’y laissa prendre. Il s’engagea dans cette ouverture feinte. Henri le prit aussitôt en étau. Barra du plat de son épée la collée qu’on lui destinait tandis que le poignard glissait sous l’oreille. Avant qu’il ne l’ait compris, le Breton se vidait à grands soubresauts et gargouillis, la langue tirée en quête d’un air introuvable, l’aorte sectionnée. Il tomba aux côtés de son cousin que Salisbury venait lui aussi de percer.
    Henri porta sa main en visière. La pluie battait la lande, rinçait le sang versé, le noyait à la glaise, laissant les vaincus s’y enliser. Il avança de quelques pas, récupéra son bouclier puis revint vers son compagnon.
    — On n’y voit goutte, beugla Salisbury.
    — Rentrons, ordonna Henri avant de s’apercevoir qu’il ne savait de quel côté aller.
     
    Les mercenaires revinrent un à un de cette bataille. Il ne manqua pas un des barons anglo-normands et Henri, réorienté sitôt l’averse passée, se soulagea autant du récit de leur victoire que d’arracher enfin ce haubert qui l’écrasait. Nombre d’impacts avaient bleui ses chairs et tout son corps était douloureux. Pourtant, il n’en avait cure. Il avait suffisamment appris à connaître ses adversaires pour craindre l’attaque de cette abbaye dans laquelle ils avaient dressé campement. Certes, des avant-postes couvraient leur position, mais ces chiens savaient comment les atteindre, les relever du lit, les fatiguer. Henri ne leur cédait pouce, mais avait du mal à regagner du terrain. Il s’assura auprès des moines que ses hommes auraient nourriture en quantité puis que les tours de garde avaient été correctement désignés. Malgré la confiance qu’il accordait à ses proches, il refusait de déléguer des détails si importants. Ils étaient tous fatigués. Tous. Mais lui était le roi. Et le seul qui ne devait pas le montrer.
    Lorsqu’il regagna enfin la cellule qu’on lui avait allouée, il y trouva un messager, arrivé comme lui sous l’averse.
    — Qu’est-ce ? demanda-t-il.
    En même temps qu’il lui tendit le pli, l’homme secoua tristement la tête.
    — Votre mère, Majesté.
    Henri se laissa choir sur un simple tabouret à trois pieds, les yeux rivés à ce cachet bien connu, qu’un autre, visiblement, avait scellé.
     
    La mort de l’emperesse nous ramena à Rouen. Partout où nous passâmes, les cloches s’envolaient pour saluer la tristesse des Normands. La mienne, comme celle d’Eloïn, était dénuée de larmes. En la quittant deux mois plus tôt, nous savions que son baiser serait le dernier. Nous avions fait notre deuil dans l’attente. Nous trompant l’esprit au côté d’Aliénor qui avait voulu regagner Poitiers. Sa rencontre avec Henri n’avait rien résolu, mais cela ne lui avait pas été une surprise. Elle n’avait voulu que le ramener à la raison pour éviter d’autres écarts. L’alliance avec Toulouse ayant été ratifiée, Henri devait en assumer les conséquences, ce qu’il fit au tout début de l’été en obligeant les Aquitains à taire tout combat. Dans la foulée, il agaça les vassaux de Louis aux frontières du Vexin normand, et, pour son fils Geoffroy à qui devait revenir le

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