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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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former dans le jardin. En me voyant m’accroupir devant elle, elle s’excusa d’une voix où perçait un sentiment de honte :
    — Je n’y arrive pas.
    Je caressai sa joue, dénuée de ses jolies couleurs de rose. Réconfortante. Fière.
    — C’est l’émotion de ce que tu vois. Laisse-moi faire. Tu as accompli tâche bien plus importante que celle-là.
    Son visage s’éclaira. La renvoyer, maintenant ? Comme mère l’avait fait avec moi ?
    — PPPPPPPPPPFFFFFFFF… PPFFFF…, s’amplifia le souffle d’Aliénor avant de finir dans un cri.
    Par-dessus mon épaule, Eloïn gardait les yeux ronds sur cette scène effrayante, qui voyait se décupler l’effort, saillir les veines du visage, gonfler les joues et s’embraser le cou de sa marraine.
    — Veux-tu rester jusqu’au bout ? demandai-je en repoussant délicatement une mèche de ses cheveux d’or derrière son oreille.
    — Combien de temps ?
    — Une bonne heure encore, semble-t-il. Tu m’aideras à broyer les simples…
    Elle hocha la tête, rengorgée de l’importance que j’aurais eue, moi, hier, à forcer cette porte interdite. Je récupérai enfin le saquet, y jetai un œil. Sa récolte était parfaite, les feuilles et tiges sectionnées au bon endroit, choisies judicieusement.
    — C’est juste ce qu’il fallait, Canillette.
    Elle regagnait des couleurs et de l’assurance. Me le prouva.
    — Nous n’aurons pas besoin de la sauge…
    Une vague d’émotion me submergea. Ce petit bout de femme était grand, bien grand déjà.
    — Non, tu as raison. La détermination de ta marraine y suffira.
    — Arhhhggg… pfffff… Je… PFFF… Sacr… aarhggg, répondit celle-ci derrière moi, amenant un éclair de surprise sur les traits de ma fille.
    Le temps que je m’en étonne, Eloïn s’écartait brusquement de moi et traversait l’espace en courant.
    Je pivotai sur mes talons.
    — Qu’est-ce que… ?
    La surprise tua les mots sur mes lèvres. Tous les muscles contractés en une poussée ultime, Aliénor s’était tue, ne respirait plus. Agenouillée devant elle, Eloïn avait placé ses petites mains à quelques pouces du sol. Tandis qu’elle les ramenait délicatement vers elle, Aliénor soufflait de soulagement.
    — Tout va bien, tout va bien, répétait ma fille, d’un timbre sans âge, en ramenant à elle le petit corps sanguinolent.
    Des larmes me submergèrent. En même temps que cria le nouveau-né.
     
    *
     
    L’urgence était d’éloigner ses troupes du castel, songeait Henri, qui, couché sur l’encolure de son destrier, balayait sa lame de droite et de gauche. Les premières flammes crépitaient déjà et il percevait l’affolement des chevaux à peine sortis de l’enceinte. Son cri de guerre n’avait surpris l’ennemi que quelques secondes. Henri les savait précieuses. Prenant le relais des fantassins, il piquait de l’avant tel un diable, entraînant sur sa ligne offensive ses compagnons d’armes. Il choqua quelques corps au passage, arracha quelques râles dans une frappée d’estoc. Au cœur de cette poisse grisâtre qui les enveloppait tel un linceul, il avait peine à distinguer ses propres couleurs. Il prévenait de son passage, espérant que ses hommes sauraient s’écarter. A deux reprises, il suspendit son bras averti d’un mot d’anglois qui demandait l’enlevée. Un autre, près ou derrière lui, empoigna la main tendue et se retrouva ceinturé sur sa monture, certain que ses compagnons couvriraient son geste. Il perçut le bruit métallique des lames qui s’entrechoquaient, celui des sabots. L’ennemi s’était ressaisi. On gueulait en gallois des quatre coins. Il ricana sur sa selle. S’ils espéraient l’effrayer avec si pauvre tactique !
    — Hardi ! chevaliers ! hurla-t-il en retour avant de se trouver nez à nez avec un cheval cabré.
    Une ligne entière de cavaliers se dessina derrière, dans la brume. Son rictus devint carnassier. Enfin un adversaire à sa mesure !
    — Si vous croyez m’empêcher de passer…, persifla-t-il encore entre ses dents crispées.
    Son épée trouva l’acier. Avant même que la peur ou le doute n’aient eu le temps de s’installer, il ferraillait contre deux Gallois bien décidés à l’arrêter.
     
    *
     
    Eloïn frotta une nouvelle fois ses petites mains au pain de savon mais le sang refusa de se déloger de sous ses ongles. Elle l’aurait bien gardé en guise de trophée, mais sa marraine lui avait affirmé que ce n’était

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