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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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dont nos quinze ans s’étaient réjouis et que la reine d’Angleterre se devait de modérer. Quant à moi, près d’elle à la toucher, loin de tout et de tous, je redevenais légère, comme si aucune prémonition, autre que celle de son bonheur ou du mien, ne m’avait effleurée. Cette fois encore, nous n’avions pas dérogé à la règle en déplorant la détestable habitude qu’avait l’épouse d’un lord, nouvellement arrivée à la cour, de toujours commencer ses phrases par un « Je ne sais pas vous… » aussitôt suivi d’un « mais moi… » qui s’évertuait à transformer l’assommante existence de cette dame en une œuvre de fin’amor sans que son auditoire puisse s’échapper. Pour ajouter encore à son ridicule, elle affichait des couleurs impossibles à porter et dépareillées, depuis les souliers jusqu’au bonnet.
    Face à nous, un saint Antoine en aulne semblait approuver le fou rire qui nous avait gagnées et quand bien même, pour rien au monde je n’aurais voulu en être privée. Lorsqu’il retomba, nous arrachant encore quelques hoquets au souvenir de la dernière apparition de Jane, les cheveux surmontés d’un faisan empaillé, Aliénor laissa échapper un soupir de bien-être.
    — Qu’il est doux près de toi, de pouvoir piquer les sots, les fats ou les vaniteux !
    — Et plus encore en état de péché, ma reine. Te rends-tu compte que nous risquons l’enfer à le faire en ces lieux ?
    Elle haussa les épaules qu’un printemps doux avait allégées d’un mantel de laine fine, l’œil brillant, une fossette creusée dans sa joue droite. Elle n’était pas dupe de mon prétendu excès de piété.
    — Bah ! Louis, ce cher Louis de France, te répondrait que seul le confessionnal peut tout entendre. N’est-ce pas ce que nous faisons ? Nous confesser de ces méchantes pensées ?
    Un nouvel éclat de rire se répercuta contre les murs blancs de la petite voûte et je ne doutais pas que notre escorte, installée à nous attendre à quelques pas de là, l’ait entendu claquer. Il s’estompa de lui-même. Nos genoux melus par la dureté du sol nous invitaient à quitter la place. Je laissai Aliénor se relever après un signe de croix. Elle allait pivoter pour couvrir les quatre pas qui nous séparaient de la sortie lorsque je la retins par le bras.
    — A propos de Louis, et puisque visiblement il ne sait faire que des filles, il me vient une idée. Une idée qui pourrait bien rendre la France aux Plantagenêts et définitivement écarter la maison de Blois de notre chemin.
    L’attention captée, son œil s’étrécit de convoitise.
    — Je t’écoute.
    — Une alliance entre sa petite dernière, Marguerite, et Henri le Jeune. Qu’en dis-tu ?
    Elle frotta ses mains avant de mordre dans le vide cette gourmandise longtemps convoitée.
    — J’en dis, ma douce, que si tu lui arrachais de surcroît l’autorisation de revoir mes filles, j’aurais toutes les raisons de croire que saint Antoine, ce jour, s’est tant enjoué de nous entendre qu’il a voulu nous en remercier !
     
    C’est ainsi que, ayant laissé Jaufré profiter de l’occasion pour régler quelques affaires en Blayais, ce 20 juin me vit reparaître en l’île de la Cité, au milieu de la délégation menée par Thomas Becket. Mais nul ne remarqua ma présence, perdue dans la magnificence qui m’entourait.
     
    — Combien de pages et d’écuyers, dis-tu ?
    — Au moins deux cents que nous avons comptés par groupes de seize, chantant entre deux salves de trompette.
    Louis de France fit taire les murmures échangés à cette annonce par un geste agacé de la main. À l’autre bout de la longue table où il avait réuni son conseil, le messager tordait son bonnet, l’œil étourdi encore. On ne parlait que de cela dans les rues de Paris ce matin-là. De cette ambassade anglaise qui s’avançait au pas, étourdissant le petit peuple. Louis avait aussitôt dépêché quelqu’un pour se renseigner, refusant d’être saisi à son arrivée.
    D’un signe de tête, il invita l’homme à poursuivre.
    — J’ai pas compté la fauconnerie, Votre Majesté, ni les chiens de chasse, mais, au bas mot, je dirais une quarantaine, qui à l’avant-bras ganté, qui en laisse. Tous de robe luisante. Après viennent plusieurs chars à la toiture cuirassée. Y sont tirés par cinq roncins et menés par un palefrenier flanqué d’un dogue.
    — As-tu aperçu leur contenu ?
    — Le premier

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