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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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mystère » n’était pas une belle chose en soi.
     
    *
     
    Ils étaient sortis par une petite poterne, sur la face nord du castel, après avoir tenté, en vain, de déterminer les positions ennemies. Au-delà de la motte, le brouillard restait le maître des lieux, autorisant certains bruits, en tuant d’autres. Il leur fallut avancer l’épée au poing, à l’aveugle. Henri avait vitement décidé de la tactique. Profiter de la surprise pour tailler une brèche dans les lignes galloises, l’infiltrer, la dépasser puis, dès qu’un peu de clarté rendrait l’affrontement possible, revenir au galop, sans merci. Il avait pour lui deux cents hommes. Les plus valeureux des barons anglo-normands. Il savait qu’Owain Gwynedd en possédait autant. Etaient-ils tous là ? Qu’importe. Henri n’avait jamais reculé. Il ne fuirait pas davantage cette fois. Douze fantassins s’étaient déployés devant le front qu’il formait avec ses meilleurs compagnons. Habiles et habitués à la brume, ils savaient en discerner les mensonges. Un bruit sourd sur sa droite lui annonça qu’un homme était à terre. Dans quel camp ? Il se durcit sur sa selle, arma plus puissamment son poing, laissa sa monture avancer. Un râle s’étouffa à gauche qui ne donna pas davantage l’alerte. Jusque-là, tout allait selon ses plans. Il ne relâcha pas pour autant sa vigilance. La brume glaçait ses narines, densifiait la raideur de ses reins. Il faudrait sans faute, avant que de continuer sa progression dans ce pays, quérir l’aide d’une rebouteuse pour rajuster son dos. Si encore elle y pouvait quelque chose, car, de fait, c’était depuis Tintagel qu’il en souffrait. Comme si l’éclair qui l’avait transpercé était encore en lui par moments. Jamais par temps clair. Il eût pu s’en ouvrir à Loanna, mais son orgueil le lui avait interdit. Elle l’avait sauvé. Il le savait. De la même manière qu’il en connaissait le prix selon la loi druidique. Revenir dessus n’aurait fait qu’accentuer en lui, en eux, une plaie bien plus vive.
    Une toux rauque se fit entendre, quelque part dans cette obscurité laiteuse. À quelle distance ? Il ne l’aurait su dire. Mais elle lui sembla proche. Sûrement un des siens. Ils avançaient en douze rangs serrés, telles les écailles d’une tortue. Quelle distance avaient-ils parcourue depuis qu’il avait passé le fossé ? Pas assez pour que les derniers de ses hommes aient quitté la place, calcula-t-il.
    C’est alors qu’il vit les yeux. Des dizaines d’yeux s’éclairer dans la nuit.
    Le temps qu’il comprenne, des traits rougeoyants filaient au-dessus de sa tête en direction du castel de bois détaché de la brume. Retrouvant alors cet instinct guerrier qui lui avait toujours permis d’arracher la victoire, il se tourna de quart sur sa monture et, avant de la talonner dans un rugissement terrible, ordonna le combat.

16
     
     
    I l me suffit d’un regard vers Eloïn pour me retrouver quelque vingt-quatre ans en arrière, cette nuit qui vit la naissance d’Henri. Mon petit panier de simples battait mes genoux et, dans l’encadrement de la porte par laquelle je découvrais l’emperesse Mathilde en proie aux douleurs de l’enfantement, les paroles de ma mère sonnaient tel un glas.
    — Plus tard Canillette, plus tard.
    Je m’étais sentie inutile, rejetée et, face à la lune pleine, pour la première fois, j’avais provoqué mes dons divinatoires. Je venais d’avoir douze ans. L’espace d’un instant, face au regard horrifié d’Eloïn, je m’en voulus de l’avoir appelée auprès de moi. Je ne m’y étais résolue qu’après avoir lutté longuement contre une évidence impérieuse. Elle devait être associée à cette naissance. Etait-elle plus forte, plus dure, plus mature que je ne l’étais moi ? En dépit de sa petitesse ?
    Elle me sourit dans ses traits blêmes, posa sa lanterne au seuil de la pièce et, baissant les yeux sur sa ceinture, commença à dénouer le lien qui retenait sa besace.
    — Pfffffffffff… pffffffffff… pffffff…, soufflait Aliénor, tel un cheval à l’assaut.
    Elle était sereine. Méthodique. L’expérience de ses précédents termes lui indiquait que tout était normal, cette fois.
    De sorte que ma présence même, pour rassurante qu’elle lui soit, n’apportait guère.
    Je me nettoyai les mains à l’eau claire puis avançai vers ma fille. Elle s’agaçait sur le nœud qu’elle avait eu du mal à

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