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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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porte la chapelle, c’est sûr. Il est tout drapé d’écarlate et ses essieux sont dorés. Entre deux, je sais pas, mais ils sont lourds, car les roues ferrées enfoncent les pavés. Les deux derniers, par contre, qui sont débâchés, montrent des barils.
    — Pfff… Encore cette maudite bière, grimaça Thibaud de Blois.
    Louis n’y prêta pas attention. Il voulait juger de tout.
    — Ensuite ? demanda-t-il.
    — Ben, ensuite y a des mulets. Douze, Votre Majesté. Ce qui fait vingt-quatre coffres si j’ai bien compté. Ah ! et puis les singes, aussi.
    Il y eut un sursaut de surprise sur le visage des seigneurs français.
    — Des singes…
    — Oui, Votre Majesté, un par baudet. Ils distraient les badauds par leurs grimaces et sont fagotés de samit comme les garçons d’écurie devant eux. Après viennent les gens d’armes, ceux de la maison royale dans des habits si précieux que je n’en ai jamais vu de plus beaux. Si on compte les hérauts pour fermer la marche, c’est tout.
    — Bien… Laisse-nous.
    Le valet courba le front puis sortit, pressé de pouvoir raconter à d’autres. Louis se leva et s’en fut ouvrir la fenêtre. La clameur de la population lui parvint au milieu des envolées de trompette. Dans son dos, les chuchotements reprenaient son sentiment. Le roi d’Angleterre attendait beaucoup de sa délégation. Avant longtemps, elle serait au pied du grand pont. Louis fit volte-face, un sourire forcé aux lèvres asséchées par l’amertume.
    — Eh bien, messieurs, il nous reste peu de temps pour redonner éclat à nos allures. Il ne saurait être question de paraître moins que nos invités, n’est-ce pas ?
    Thibaud de Blois afficha un rictus plus mauvais encore que celui de ses compagnons de table.
    — Ce que notre rang égale, nos manières le tiendront, Votre Majesté. Pour le reste, je veux croire que la vertu des seigneurs de France est meilleure au regard de Dieu que celle de ces chiens d’Anglais…
    Louis le toisa d’un regard lourd.
    — Si Dieu était de notre côté, mon ami, c’est un héritier qu’il m’aurait donné.
    Rageur, Thibaud de Blois ne trouva rien à redire à cette vérité. Il sortit dans le pas de son frère, Henri de Champagne, aussi affable et aussi posé qu’il était, lui, fier et impétueux.
     
    *
     
    Seul un haussement de sourcil marqua l’étonnement de Louis devant ma révérence. Il me salua d’un élégant signe de tête puis continua, aux côtés de Thomas Becket qui nous présentait, d’accueillir la vingtaine de dignitaires que nous formions dans cette grande salle de réception du palais du Louvre, inchangé. Tandis que sa feinte indifférence me convainquait de mon importance, le regard appuyé de Thibaud de Blois me renseignait sur la haine intacte que ce dernier me portait. J’attendis la fin du protocole d’accueil et la sortie du roi pour m’avancer vers lui, la mine enjouée. Comme je m’y attendais, il se crispa.
    — Dame Loanna…
    — Comte… Cela fait fort longtemps, en vérité.
    — Il ne m’a pas manqué.
    Je laissai échapper un petit rire. Suivis son pas qui voulait se détourner.
    — Je vois que vous avez, en plus de ses terres, hérité de l’humour acerbe de votre père. Je vous en félicite, bien qu’il n’eût pas ajouté la muflerie à sa vanité.
    Thibaud de Blois s’immobilisa, piqué. Un œil alentour le renseigna. Ma voix avait porté. On pouffait. Ses sourcils se rapprochèrent. Il se devait de composer.
    — Soit. Puisque vous n’éprouvez aucune amitié pour ma famille, j’imagine que c’est pour d’autres raisons que sa santé que vous voici.
    — Vous imaginez bien, monsieur. J’espérais que, dans votre grande bonté, vous me donneriez quelques nouvelles des filles de France.
    Ses traits se firent narquois.
    — La petite Marguerite se porte au mieux… Quant aux autres, sa mère saura mieux que moi vous renseigner.
    Je baissai le ton.
    — Allons, monsieur, nous savons vous et moi que Marie et Alix sont en votre maison.
    Il ne releva pas.
    — Par quelle preuve ?
    — Celle que vous laissâtes le soin au balafré d’abandonner derrière lui. Elle porte votre signature.
    Il ne démentit pas. Je lui souris.
    — Fi de ce jeu, je vous en prie. Je ne viens pas en ennemie. Ces enfants me sont chères pour les avoir vues naître et grandir.
    Il me toisa avec mépris.
    — Donnez-moi une seule raison de vous plaire…
    Je m’inclinai.
    — Vous l’aurez.
    Le

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