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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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d’une tâche dont j’avais autrefois mesuré l’importance et souffert le joug. Je ne savais quant à moi si je devais m’en réjouir avec elle ou la plaindre en silence. Accepter. Oui, sans doute. Accepter. Nous débouchâmes enfin dans la salle circulaire. Des cercueils de pierre en occupaient le tour, ne laissant que la travée et le centre pour y accéder.
    — Toutes celles qui vous ont précédées dorment ici, à l’exception d’Aude, m’annonça calmement Mauray.
    Je sursautai.
    — Même Guenièvre ? Je la croyais enterrée à Rouen.
    Il déplaça sa lanterne vers la droite, accrocha la pierre, les lettres de son nom tout à côté du mien. À une lettre près. Loanne au lieu de Loanna. Des larmes montèrent à mes yeux. Jusqu’où avait été le mensonge ?… Au nom de quoi ? M’avait-elle pensée incapable de comprendre ? Mauray s’approcha du caveau et, comme s’il avait lu dans mon cœur, caressa d’une main usée la pierre aux veinures d’iris dans sa rougeur sanguine.
    — Personne n’a su pour l’enfant. Pas même l’emperesse. Tandis qu’Aude repartait au Puy du Fou avec vous, Guenièvre confiait sa fille à mon épouse. Chaque mois, elle revenait. Cela dura un an. Nous avons élevé la petite Loanne comme la nôtre jusqu’à ce jour tragique où nous la découvrîmes morte dans sa couche. Elle était passée dans son sommeil, un sourire aux lèvres, comme un petit ange.
    Sa voix se teinta des remous d’hier.
    — Mon épouse en mourut de chagrin quelques mois plus tard. Même si Guenièvre ne lui reprocha rien, elle se sentait responsable. Je demeurai là. Et puis, il y eut votre initiation. Quelques mois avant, Guenièvre me demanda d’ouvrir le cercueil de la petiote. Elle y récupéra sa pierre de lune. Pour vous.
    — Pourquoi pas celle d’Aude, puisqu’elle se trouvait là-haut ? Pourquoi s’être infligé pareille épreuve ? Je ne comprends pas.
    — Elle ignorait, comme moi jusqu’a ce jourd’hui, qu’Aude l’y avait abandonnée en même temps que ses devoirs envers l’Angleterre.
    — Mais vous disiez que Guenièvre s’était enfermée au grenier.
    — Dans l’espoir de capter Aude, j’imagine. Seul le sentiment profond de sa mort avait forgé sa certitude. Elle voulait la retrouver pour la rapatrier ici. Elle n’y est jamais parvenue. Je doute qu’elle ait fouillé dans la malle, remué les souvenirs. Vous savez, dame Loanna, Guenièvre de Grimwald était d’une trempe exceptionnelle. Lorsqu’elle quitta Brocéliande, ce fut les yeux secs. Rien ne se crée…
    — Tout se transforme. Oui je sais. Une vie pour une vie, répétai-je.
    Je comprenais mieux à présent ce qui avait inspiré à Guenièvre ce couplet. Ma vie contre celle de sa fille. Ainsi devaient être nos chemins. Mauray passa derrière le sarcophage, se pencha, puis revint ouvrir sa paume devant moi.
    — Merlin savait que vous reviendriez à l’Angleterre. Il m’avait demandé de la garder pour vous jusqu’au jour où vous descendriez en cette crypte. Le moment est venu, visiblement. Voulez-vous que je vous l’attache ?
    Je secouai la tête, récupérai la pierre entre mes doigts.
    — Non, Mauray. C’est libre que je continue de servir. Et je veux que ma fille le soit aussi.
    Eloïn brisa enfin le silence d’un timbre affirmé :
    — Si je n’avais choisi, mère, et espéré, Aude ne m’aurait pas remis la pierre.
    À cet instant, la voix de son frère, comme un appel lointain, glissa jusqu’à moi. Sa pêche était finie, il s’en revenait au castel. L’ayant sans doute perçue elle aussi, Eloïn tourna les talons et remonta lentement l’escalier.
    — Elle deviendra une grande dame, me dit Mauray à voix basse.
    — Elle l’est déjà, affirmai-je avec fierté.
     
    Mes hommes rapportaient une perche de plusieurs livres que nous réservâmes au lendemain, tant la poularde de Mauray embaumait le castel. Au soir venu, je contai à Jaufré notre étrange rencontre qui venait ponctuer l’histoire d’Aude de Grimwald. Nous n’avions pas reparlé d’elle depuis la mort du balafré. Il était temps de tourner la page. Ensemble. Tous les trois puisque, de toute évidence, notre petit Geoffroy avait d’autres qualités. Avant que de repartir, sacrifiant à la tradition, je menai Eloïn à la fontaine de Barenton. Merlin lui apparut comme il m’était apparu de nombreuses années plus tôt, ruisseau d’eau pure de la tête à ses pieds ancrés dans la

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