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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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ancien de la région, il dardait vers un ciel redevenu d’azur quatre tourelles d’angle, reliées les unes aux autres par une galerie à mâchicoulis. Des fenêtres carrées à croisée de pierre piquaient harmonieusement chaque étage et se reflétaient dans l’eau tranquille du lac. La herse était levée et c’est dans un silence recueilli que nous en franchîmes le passage. Quelques secondes seulement. Car Geoffroy attendit à peine que la voiture soit immobilisée pour pousser un cri de joie et s’en arracher. Je le suivis, laissant Jaufré descendre par l’autre côté, derrière Eloïn.
    — Vous avez vu, mère ? Il m’aime déjà.
    — Je vois surtout qu’il va te faire verser, répondis-je.
    Aussitôt dit. Les pattes de l’énorme chien vers lequel Geoffroy avait bondi, si ce n’était l’inverse, se levèrent dans un saut festif pour s’accrocher aux frêles épaules. Geoffroy partit vers l’arrière dans un éclat de rire et ne dut qu’à la prévenance du vieux Mauray, surgi aussi discrètement qu’à son habitude, de ne pas choir le cul sur la roche de la cour.
    — Assis Toblart. Assis, intima l’intendant à l’animal, après lui avoir concédé quelques coups de langue affectueuse sur les joues rebondies de mon fils, indifférent à sa rudesse. Geoffroy épousseta son mantel, l’œil gourmand en direction du chien qui ne s’était éloigné que de quelques pas, la queue battant fébrilement le sol dans l’attente d’une levée d’ordre.
    — Pardonnez-moi, dame Loanna, j’aurais dû l’enfermer aux premiers signes de votre arrivée.
    Mauray s’était incliné, cette lueur d’affectueux respect dans son iris aux indéfinissables nuances de gris. Je haussai les épaules, un sourire aux lèvres.
    — Nous savons vous et moi qu’il aurait laminé la porte ou sauté par la fenêtre. Comme sur vous, mon bon, les années et l’affection n’ont pas de prise…
    Je le pressai dans mes bras. Bien loin de ses prérogatives, Mauray s’était occupé de moi comme un père à chacun de mes séjours ici, et j’éprouvai une sincère tendresse pour lui. S’il salua Jaufré avec le même plaisir, je vis son œil se troubler devant Eloïn. Je lui tapotai l’épaule.
    — Vous aurez, je devine, vous aussi à m’apprendre sur Aude de Grimwald.
    — Je suis heureux que la vérité vous ait été révélée, me répondit-il simplement avant de tourner un œil embrumé vers Geoffroy qui avait fini par trouver, près des marches de l’entrée, une branche déjà mâchonnée.
    Elle s’envola vers les écuries, siffla non loin de l’oreille d’un des chevaux de bât qui fit un bond de côté, puis un second en voyant fondre sur lui le chien aux longs poils et à l’allure exubérante. Toblart rattrapa le bâton avant qu’il n’eût touché terre, s’attira les grognements d’un des soldats de l’escorte, serré d’un peu trop près par le cheval apeuré, puis s’en revint s’aplatir des pattes avant devant Geoffroy, satisfait.
    — Bon chien. Bon chien.
    — Joue avec lui de l’autre côté, exigeai-je.
    Ravi davantage de l’autorisation sous-entendue qu’inquiet des conséquences de sa sottise, Geoffroy récupéra le bâton déposé à ses pieds et, entraînant l’animal bondissant, partit en courant vers le fond de la cour, où se dressait mon ancien pigeonnier.
    Eloïn sur les talons, en proie à un inhabituel mutisme, et laissant aux valets le soin de nos hommes, Jaufré et moi poussâmes la lourde porte d’entrée, y précédant de peu Mauray qui s’était effacé, respectueusement, sur la dernière marche.
     
    *
     
    — Que pouvez-vous me raconter sur elle ?
    La question n’était pas venue de moi mais d’Eloïn. Dès le lendemain matin, alors que Mauray, dans la cuisine où nous venions de nous imposer toutes deux, achevait de farcir avec entrain une poularde pour le dîner. Il ne marqua qu’un subtil temps de surprise avant de hocher la tête.
    — J’avais dix-sept ans lorsqu’elles sont venues au monde. Pas ici, dans l’hotié de Viviane, comme chacune de la lignée. Mon père était déjà l’intendant du castel. À sa mort, deux ans plus tard, j’ai repris la charge, et veillé sur elles jusqu’à leur neuvième année où elles partirent pour l’Angleterre. Je n’ai revu Aude qu’à deux ou trois reprises ensuite. Mais il est des visages que l’on n’oublie jamais. Sa fin, tragique, me fut racontée par Guenièvre quelques années

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