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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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lourds bruits de pas retentirent sur les marches, puis on souleva la trappe et on la laissa retomber à grand fracas. Ruisselante de sueur, je posai la lanterne et me précipitai, mais l’issue avait été verrouillée. Je m’accroupis dans l’escalier et contemplai les amas d’os. Je n’avais pas peur des défunts. Je me souciais davantage du meurtre d’Eusebius. Je repartis fouiller sans rien trouver. Je regagnai les marches, l’oreille tendue pour entendre les frères. Quelques minutes passèrent. Puis j’ouïs un bruit de pas et appelai. Demontaigu répondit. Il déverrouilla l’huis et m’aida à sortir. À cet instant je découvris un morceau de tissu où était attaché un bouton vert et doré. L’emblème qui l’ornait – une fleur de lis argent et or sur champ de sinople – était celui que les Beaumont portaient avec tant d’ostentation. Je glissai le bouton dans mon escarcelle et m’assis au pied d’un pilier. La lanterne de corne dessinait une flaque de lumière devant moi. Bertrand me rejoignit, dévoré de curiosité. Je lui fis part des événements et de mes découvertes.
    — Pas maintenant ! protestai-je devant ses questions. Je ne comprends rien à tout cela.
    Je me relevai avec peine.
    — Ausel ?
    — Disparu, répondit-il. Il se cache. Ausel est maître ès déguisements ; il se montrera quand il le jugera bon.
    Il désigna la trappe.
    — Je ne crois pas qu’il ait quelque chose à voir avec ceci.
    Je ne pipai mot. Nous quittâmes l’église et j’informai sur-le-champ le prieur du drame. Puis nous aidâmes les religieux à emporter Eusebius au dépositaire. Ensuite, je pris les ceinturons des deux Aquilae morts et les fis envoyer à Rosselin avec un message lui précisant que je les avais trouvés dans un recoin obscur de l’édifice. Le père prieur eut le bon sens de concevoir que le meurtre d’Eusebius avait un rapport avec le trépas des écuyers de Gaveston. Il annonça non sans sagesse à sa communauté sous le choc que le malheureux avait été occis par un rôdeur et n’ajouta rien à cela.
    Quand enfin je fus libre, la journée était bien avancée. Les souverains avaient quitté le prieuré pour assister à un banquet à l’échevinage. Demontaigu reprit ses recherches en quête d’Ausel et je me retirai dans ma chambre voisine de celle d’Isabelle. Après m’être lavée, changée et un peu reposée pour apaiser mes humeurs, j’entrepris de distiller poudres et potions. Je me rappelle avoir battu du blanc d’œufs pour élaborer un traitement contre les plaies ouvertes et les blessures, avoir mélangé du musc et de l’ambre contre les toux grasses, de la thériaque et de la valériane contre l’agitation et enfin avoir préparé de l’hellébore pour des fumigations, remède dont on faisait un usage constant. Tout en travaillant des souvenirs se pressaient dans mon esprit : la peur de Gaveston ; le trouble d’Édouard ; Isabelle, blanche comme une statue de marbre ; Leygrave, dont le corps disloqué gisait telle la carcasse d’un animal ; les chuchotements précipités d’Eusebius, son sourire rusé plein de sous-entendus ; les empreintes de bottes si faciles à voir sur le rebord d’ardoise ; le macabre ossuaire où on avait étouffé à jamais la perspicacité d’Eusebius ; l’ombre fugitive voltigeant dans la pénombre, et enfin le bout de tissu et le bouton ornemental arborant les armoiries si appréciées des Beaumont. Cependant ces images n’avaient aucun lien entre elles.
    Les herbes étant distillées, je m’installai à ma petite table de travail et commençai à dresser une liste de ce que je savais. Je choisis un grand morceau de riche vélin, semblable à celui dont Isabelle se servait pour ses missives, et notai ce que j’avais vu et entendu. Puis je réfléchis. La célèbre Trotula 6 soutient que le syllogisme fondamental de la médecine est que si le corps humain était parfait, tous les sens seraient plus affûtés. Nous aurions, par exemple, le flair d’un chien ou la vue perçante d’un chat. Pourtant, le corps humain n’étant pas parfait, nous pouvons en observer les désordres en étudiant les symptômes de toutes ses fonctions, que ce soit les vingt-neuf qui concernent l’urine ou les cinq signes indiquant une mort imminente. La résolution du meurtre et le diagnostic d’une affection ont moult points communs. Je décidai qu’il était temps de classer ces symptômes et de les étudier avec grand

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