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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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lieux du regard.
    — Frère Eusebius en sait beaucoup plus qu’il n’en dit.
    Nous gravîmes l’échelle. Nous explorâmes et fouillâmes en vain le clocher : cet ancien local poussiéreux refusa de livrer ses secrets sur le trépas des deux hommes. J’examinai avec grande attention le rebord incliné et glissant de la fenêtre. Il n’y avait pas de traces de sang, mais je découvris des marques de bottes très nettes, la large semelle et l’étroit talon du genre de bottes cordouanes qui plaisaient tant à Gaveston et à ses Aquilae. L’ardoise était lisse et l’empreinte de boue sèche au milieu très visible. Que Dieu me pardonne, j’aurais dû être mieux avisée. Je renonçai à tout examen plus minutieux et parvins à la conclusion évidente que Leygrave avait dû se tenir sur ce rebord avant de… de quoi ? S’il s’était perché là, alors il avait dû songer au suicide. Ou bien l’avait-on poussé, l’avait-on contraint, menacé ? Mais d’abord, pourquoi était-il monté désarmé, en haut de ce clocher inhospitalier où son ami intime avait aussi péri mystérieusement ? Il était clair qu’un tiers était intervenu dans leur décès ; d’où ce railleur message énigmatique. Je regardai par-dessus mon épaule. Bertrand m’observait d’un air singulier. Je lui fis part de mes soupçons. Il contourna la plate-forme de bois et me tendit la main.
    — Je ne puis rien pour vous, Mathilde. Venez, venez donc.
    Il me saisit la main et m’escorta vers l’échelle.
    Nous retournâmes à l’étage inférieur, pourtant, au lieu de continuer à descendre, il me conduisit dans un obscur recoin délabré qui sentait l’humidité et la fiente.
    — De quoi s’agit-il, Bertrand ?
    Il me lâcha la main, le regard fixé sur quelque chose derrière moi. Je réprimai le frisson qui me parcourait l’échine et les épaules.
    — Vous vouliez savoir si un de mes frères pouvait être impliqué dans ces morts inexpliquées.
    Il s’essuya la bouche d’un revers de main.
    — Je vous ai dit que non, or je parlais pour les frères en général, non pour un individu. Il pourrait y en avoir un, déguisé et mêlé aux religieux.
    — Ausel ! m’exclamai-je. N’avez-vous pas prétendu qu’il était parti en Écosse ?
    — J’avais juré le secret, Mathilde.
    Il soutint mon regard et soupira.
    — Mais vous aussi vous êtes mon secret, Mathilde. Ausel n’a pas respecté les ordres du grand maître. Il a refusé de quitter l’Angleterre avant d’avoir vengé le massacre perpétré par Lisbonne. Œil pour œil, dent pour dent, vie pour vie ; vous le connaissez…
    Il me pressa la main.
    — Vous l’avez vu dans la lande. Il ne prendra pas de repos avant d’avoir fait couler le sang.
    Il s’approcha de l’échelle et regarda en bas.
    — Ausel croit que Lanercost a parlé à Gaveston de la réunion au Trou du Diable et que ce dernier, Dieu sait pourquoi, l’a raconté à Lisbonne.
    Il agrippa les montants de l’échelle.
    — Ausel pourrait bien être responsable de ces morts.
    Nous continuâmes à descendre. Demontaigu reprit son ceinturon et annonça qu’il allait se mettre à la recherche d’Ausel. Je lui saisis le bras.
    — Promenons-nous un peu, Bertrand.
    Nous sortîmes. Un chambellan tout affairé vint en courant nous prévenir que le conseil était ajourné mais que Sa Grâce la reine avait besoin de moi. Je le remerciai et attendis qu’il s’en aille.
    — Mathilde ?
    Je l’entraînai sous l’abri d’un porche.
    — Bertrand, qu’en est-il de ce message déposé sur chaque cadavre ? Il se gausse de Gaveston, soutient qu’il est perdu – acheté et vendu.
    — Et c’est le cas.
    Il leva les yeux vers le ciel.
    — Oh, j’ai ouï des rumeurs sur l’aide que Bruce nous apporterait peut-être. En public Gaveston dit qu’il négocie avec les alliés d’Édouard en Écosse.
    Il grimaça.
    — Quels alliés ? Il peut, en cachette, au nom du roi, chercher du soutien auprès de Bruce, cependant rien ne sera écrit – c’est trop dangereux.
    — Et ?
    — Cela prouve à quel point Gaveston est désespéré. Cette pantomime prendra fin, Mathilde, mais comment ?
    Il haussa les épaules, m’embrassa sur les lèvres et partit.
    Le reste de ma journée fut consacré à Isabelle, silencieuse mais résolue. Elle avait rédigé maintes lettres que je ne vis point, bien que je dusse m’assurer de leur expédition vers Hull et d’autres ports. Elle avait

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