Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
l’intention de partir, aussi ce jour-là et le lendemain matin furent-ils occupés par les préparatifs. Ce ne fut qu’une fois l’angélus sonné que je fus libre de retourner aux mystères auxquels j’étais confrontée et à ce que je devrais faire ensuite. Je pensai de nouveau à Eusebius. Je laissai des messages à Bertrand pour lui signaler où j’allais et repartis à l’église. Il n’y avait personne au clocher. Je traversai donc la nef et remontai le transept vers la relique de saint François. Des bruits résonnaient dans l’espace caverneux. Je passai devant les autels et les chapelles votives, fantomatiques dans la faible lumière. Parfois un bouquet de cierges allumés illuminait une fresque représentant des anges montant au ciel ou saint François embrassant un lépreux, un personnage repoussant de laideur avec sa livide peau écailleuse, sa bouche rouge et ses paupières enflammées. Statues et sculptures me fixaient dans un silence courroucé. Le trouble, pour ne pas dire la peur, commença à s’emparer de moi.
    Je me souvins de ce que m’avait expliqué Eusebius : l’entrée de l’ossuaire se trouvait sous une peinture murale du Christ délivrant les âmes. Je la découvris. L’esquisse sommaire mais aux traits puissants montrait le Seigneur debout sur les rivages de l’Enfer, les mains tendues vers la légion d’âmes qui attendaient la résurrection. Il était assez facile de repérer l’accès : une trappe en lames de chêne aplanies pour ne pas dépasser le dallage. Deux crochets, à travers lesquels était passé un verrou de bois, maintenaient la trappe dans son cadre. Le verrou avait été tiré et mis de côté. Je soulevai la planche et fus accueillie par la lueur d’une lanterne de corne sur la marche du bas.
    — Eusebius ? appelai-je. Eusebius ?
    Je descendis l’escalier. Arrivée en bas, je hissai la lanterne à bout de bras et balayai des yeux cet endroit macabre. Un long couloir s’étendait devant moi. De part et d’autre, des étagères débordaient de squelettes, serrés les uns contre les autres. Il y avait des rangées et des rangées de crânes, certains d’un blanc luisant, d’autres que la décomposition avait rendus d’un noir jaunâtre, et, sous eux, des os empilés tels des tas de petit bois de chauffage.
    — Eusebius ? appelai-je derechef.
    Le froid dans le charnier était mordant. Ma voix portait loin, résonnant sur la pierre massive. Un rat détala devant moi, couinant devant cette intrusion dans sa chasse. Je m’avançai en levant la lanterne et passai devant des alcôves et des recoins ténébreux sans m’arrêter. Un éclair de métal au bout du couloir m’attirait. De chaque côté des crânes entassés me regardaient. Je parvins au bout de la galerie, haussai la lanterne et examinai les lieux. Frère Eusebius était appuyé contre le mur, la tête fracassée par l’os épais jeté dans son giron. Dans sa grotesque face ensanglantée ses yeux vitreux me fixaient tristement. Je m’assis près de lui. D’une main il tenait encore une épée, de l’autre un ceinturon. Les os posés sur une étagère, à droite, avaient été enlevés, remplacés par des lampes à huile, qui s’étaient éteintes, et par un plat d’étain contenant des morceaux de rubans, des pièces, de petites médailles et des croix. Je me signai.
    — Pauvre, pauvre pie !
    Eusebius semblait avoir transformé cet endroit en cachette pour les menus riens qu’on lui donnait ou pour ce qu’il trouvait dans l’église. Par exemple les ceinturons des deux Aquilae. Je vis le second derrière son dos. Ce frère lai quelque peu écervelé avait, de toute évidence, été surpris par son assassin ; il avait essayé de se défendre tant bien que mal, en vain. On l’avait piégé dans ce sinistre ossuaire et on lui avait défoncé le crâne. Dieu seul savait pourquoi. Je murmurai une prière, puis un bruit derrière moi me fit me redresser, inquiète. Je saisis la lanterne et la levai tout en cherchant mon poignard de l’autre main. Je crus d’abord que mon imagination me trompait, pourtant je distinguai une ombre qui bougeait. Je pensai qu’elle allait se jeter sur moi mais ce n’était qu’un effet de lumière. En fait, elle s’éloignait. Je lui criai de s’arrêter : la silhouette spectrale se hâta de s’enfoncer dans la pénombre. Je la poursuivis aussi vite que je le pouvais, lanterne dans une main, poignard dans l’autre. Ce fut inutile. De

Weitere Kostenlose Bücher