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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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craignez-vous ?
    — La trahison, Votre Grâce.
    — Vous voulez parler de félonie ! dit Dunheved d’un ton sec.
    — Révérend frère, la nuit dernière j’ai envoyé un de mes meilleurs éclaireurs…
    — Mais je pensais que vous n’en dépêchiez plus ? coupa Dunheved, visiblement troublé.
    — En effet, mon frère. L’éclaireur n’est point allé épier ce qui se passe dehors.
    — Mais l’ennemi de l’intérieur, n’est-ce pas ? suggérai-je.
    — Vous avez deviné, madame. Il nous a rapporté qu’il avait aperçu des signaux émis depuis le château.
    — Des signaux ? s’étonna Isabelle.
    — Rudimentaires mais efficaces, expliqua le gouverneur. On pose une lanterne de corne en haut des murs ; on ouvre et ferme le volet, lançant ainsi des éclairs à celui qui attend et surveille. C’est cela qu’on a vu, à un endroit, puis à un autre. Nous n’avons pu découvrir qui en était responsable.
    Il s’humecta les lèvres.
    — Je défendrai cette forteresse jusqu’à la mort. Je me porte sans réserve garant de ma loyauté et de celle de mes hommes, mais pas de celle de tous ceux qui sont céans. Si félonie il y a, Votre Grâce, c’est tout ce que je peux faire.
    Il se releva avec peine, laissant échapper un petit grognement de douleur.
    — Si Votre Grâce veut bien me suivre…
    Nous ne pouvions qu’accepter. Nous quittâmes le logis du prieur. Dans la cour, Demontaigu conversait avec les écuyers de la reine, des jouvenceaux à peine sortis de leur apprentissage de pages. Le gouverneur glissa quelques mots à Isabelle, qui m’ordonna de prier Bertrand et ses interlocuteurs de nous escorter. Nous longeâmes les murailles en passant devant des tours et à travers des cours, jusqu’à une autre basse-cour plongée dans la brume, pour parvenir à la porte renforcée de clous de fer de la tour Duckett. Les Aquilae de Gaveston et leurs serviteurs logeaient dans les étages. À cause du froid, les portes étaient barricadées et les contrevents clos avec soin. Toutefois le gouverneur ne nous fit pas monter l’étroit escalier en spirale, qui serait bientôt le chemin d’un assassin. Il souleva une trappe de bois dans le sol, décrocha une torche de son support et nous fit descendre de raides marches de pierre.
    Un courant d’air glacé nous cingla le visage alors que, tête baissée, nous suivions une galerie exiguë dont les épais murs crayeux nous enserraient de chaque côté. Le gouverneur s’arrêtait parfois pour allumer des torches de la poix la plus brute, enfoncées dans des cavités de fortune. Les flammes de ces tisons dansaient tels des lutins ardents dans les ténèbres glaciales du tunnel. La pente était parfois si abrupte que nous avions du mal à garder l’équilibre. Demontaigu et les écuyers juraient à mi-voix ; Dunheved se mit à réciter la litanie des saints, dont les Miserere nobis résonnaient comme un défi dans la pénombre. Nous parvînmes à de nouvelles marches et continuâmes à descendre. Isabelle, s’appuyant d’une main sur mon bras et de l’autre sur celui de Dunheved, ne protestait pas. Elle avançait avec détermination. On aurait dit qu’elle mémorisait chaque pas. Le froid s’intensifia. Le bruit des flots ressemblait à un roulement de tambour venant vers nous. Les ténèbres se firent moins profondes. Des rayons de lumière s’infiltrèrent dans l’obscurité. Après d’autres marches inégales, nous débouchâmes dans une petite crique de galets et de sable imprégné d’eau salée, à l’abri des falaises. Bravant les rafales de vent marin, nous nous avançâmes pour regarder autour de nous. Des falaises de craie blanche s’élançaient de part et d’autre vers le château perché sur son rocher au-dessus de nos têtes. En face, tirées au sec et équipées, se trouvaient trois grandes chaloupes et dans l’anse une cogghe de guerre à l’ancre, ventrue, poupe relevée et proue effilée. La grand-voile était affalée. J’aperçus l’équipage qui s’affairait à bord.
    Le gouverneur désigna le bateau d’un signe.
    — Votre Grâce, c’est la réponse à une prière. La cogghe est arrivée tôt ce matin. S’il y a trahison, le capitaine de La Vouivre a reçu l’ordre strict de vous attendre. J’ignore qui le lui a donné, mais le navire est bien approvisionné et restera à l’ancre jusqu’à votre départ.
    Il eut un geste d’ignorance.
    — Je n’en peux dire plus.
    Et il nous reconduisit au

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