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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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gobelets dans l’escalier où nous trouvâmes un refuge fort bienvenu contre les bruyantes rafales de vent. Rosselin m’emmena dans sa chambre, à l’étage au-dessous. C’était une spacieuse pièce circulaire, mais austère et dépourvue de confort, à l’exception des braseros qui rougeoyaient. Le gouverneur renvoya son escorte et je l’imitai. Rosselin et Dunheved se réchauffèrent quelques instants auprès d’un brasero pendant que j’inspectais le pichet, les gobelets, le plat. La bière, ou ce qui en restait, était éventée ; le pain et le fromage étaient durs mais non altérés. Je m’essuyai les mains au lavarium.
    — Qu’a-t-il bien pu se passer ici, messire Rosselin ? m’enquis-je.
    Je m’arrêtai en entendant un bruit de pas à l’extérieur et, sans frapper, Henry Beaumont entra.
    — On a sonné l’alarme ! tonitrua-t-il.
    — Parce que, m’empressai-je de répondre pour tenter de prévenir le franc-parler du gouverneur, maître Robert Kennington et deux de ses hommes ont disparu.
    — Disons plutôt déserté !
    — Que nenni ! s’indigna Rosselin, furieux. Sir Henry, sauf votre respect, que faites-vous ici ?
    — Je suis inquiet, comme vous tous.
    Beaumont fit un pas en avant, l’air menaçant.
    Je m’empressai d’intervenir :
    — Nous le sommes tous. Vous connaissiez Kennington, n’est-ce pas, messire ?
    — Comme vous connaissiez Lanercost et Leygrave, releva Rosselin, refusant de se laisser intimider. Ils faisaient jadis partie de votre escorte, de même que moi pendant très peu de temps, Lord Henry.
    Je cachai ma surprise, mais, bien entendu, Gaveston choisissait ses écuyers parmi les nobles qui faisaient montre de loyauté envers le roi. Je fis signe à Beaumont de s’aller chauffer près du brasero, invitation qu’il accepta sans hésiter.
    Je pris hâtivement la parole :
    — Il me semble, messires, que nous devrions d’abord découvrir ce qui est arrivé à Kennington et à ses compagnons : trois soldats qui ont disparu du sommet de cette tour. Je crois savoir qu’ils étaient de garde et devaient surtout surveiller la mer.
    Le gouverneur se contenta d’acquiescer d’un hochement de tête.
    — Bien que je ne sois qu’une femme…
    J’eus un petit sourire.
    — … j’en sais assez sur l’art martial pour saisir qu’aucun assaillant ne pourrait escalader, au cœur de la nuit, des murailles qui, telles celles-ci, tombent à pic dans une mer tourmentée et traîtresse. Est-ce juste ?
    Ils en convinrent.
    — Et nul intrus n’aurait pu attaquer de l’intérieur, ajouta Rosselin. Il aurait rencontré de la résistance. Kennington était un soldat et ses deux gardes savaient se servir d’une épée.
    — Je vous ai vue examiner la bière et le plat, dit le gouverneur.
    — Il n’y avait rien.
    Je remarquai l’air méprisant de Beaumont.
    — Messires, puis-je vous rappeler, ajoutai-je, que je suis céans à la demande précise des souverains ?
    — Et la nourriture ? s’enquit le gouverneur.
    — C’est Kennington en personne qui l’a préparée, spécifia Rosselin. Il l’a emportée pour la dernière veille, les quatre dernières heures avant l’aube. J’ai estimé qu’il n’y avait point de raison de s’en préoccuper. J’avais sommeil après mon propre quart. Je n’ai pas ouï d’appel. Je me suis éveillé et suis allé voir si tout allait bien. J’ai vu ce que vous venez de voir : c’était désert, vide. Aucune trace de Kennington ni de ses compagnons.
    — La marée commencera à descendre dans quelques heures, annonça le gouverneur. Je ferai fouiller le rivage.
    Nous remontâmes tous en haut de la tour pour une ultime et minutieuse inspection en faisant de notre mieux pour ignorer les rafales de vent et le rugissement des vagues. Je m’approchai du bord et, derechef, regardai la chute vertigineuse. Kennington n’avait pas déserté, j’en étais certaine. Qui aurait-il pu rejoindre ? Un assassin était monté sur le hourd, là où se tenaient les veilleurs, et grand dommage s’était abattu sur les trois hommes. Mais qui, quoi et comment ? Le vent salé me blessait les yeux et me piquait les pommettes. Je déclarai que je souhaitais me retirer et nous nous rassemblâmes dans l’escalier. Je notai que le gouverneur passait un gros crochet sur la porte à travers une verterelle fixée au linteau. Je m’en étonnai et il m’expliqua que c’était un système de sécurité posé à chaque huis

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