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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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auraient dû dégager la place puis se frayer un passage vers le logis du prieur. Ils auraient pu ne jamais l’atteindre et n’auraient pas manqué de se faire massacrer en reculant. Le gouverneur s’en serait chargé.
    Je réfléchis.
    — Oui, il fallait que les Écossais vous fassent quitter le château ; c’est pour cela qu’ils ont attaqué. Que saint Michel et tous ses anges m’en soient témoins, c’était là vile félonie, mais pourquoi ? Perpétrée par qui ?
    Je lançai un coup d’œil à Dunheved qui se signa et récita à voix basse sa propre action de grâce.
    — Par qui ? répétai-je en me tournant vers la souveraine.
    Elle ne répondit pas.
    — Redoutiez-vous cette trahison ? Et si oui, pourquoi vous être réfugiée à Tynemouth ?
    — Que pouvions-nous faire d’autre, Mathilde ? Cela valait mieux que d’errer dans les landes désolées des Marches du Nord. Une forteresse inexpugnable perchée sur les falaises donnant sur la mer était plus sûre qu’une quelconque ferme abandonnée.
    J’acquiesçai d’un hochement de tête.
    — Et La Vouivre  ? Qui lui a ordonné de jeter l’ancre devant Tynemouth ?
    — Mon époux, à mon instante prière.
    — Pourquoi ?
    — Mathilde, j’avais peur. J’ai encore peur.
    — De quoi ?
    Isabelle baissa la tête et se frotta le front de ses longs doigts blancs.
    — Je ne sais pas précisément. Si je le savais, je pourrais faire face au danger.
    — Et votre saint de père ? ajoutai-je avec une douceur feinte.
    Elle se mit à rire telle une enfant, la bouche cachée derrière sa main.
    — Eh bien, Mathilde ?
    — Votre Grâce, ripostai-je, le mal bouillonne en Angleterre. Votre père ne pourrait davantage s’empêcher de le brasser qu’un oiseau de voler.
    — C’est vrai, c’est vrai, admit-elle.
    Elle se rencogna dans sa chaire et regarda du coin de l’œil Dunheved, assis à sa gauche.
    Le Psalmiste dit que le cœur humain est tortueux, et il en est bien ainsi : ce coup d’œil indiquait une alliance secrète entre la reine et l’énigmatique dominicain. Pourtant, à cette époque, que pouvais-je y comprendre ? Dunheved était le gardien de son âme, son confident. Il est indéniable que j’en étais quelque peu jalouse. Je pensais avoir ce privilège, mais le temps lui aussi a ses secrets, et seul le passage des années révèle toute la vérité. J’étais certaine alors qu’Isabelle avait été en contact avec son père. Je me souvins de la réflexion du gouverneur remarquant que des cogghes françaises avaient croisé le long de la côte. Le capitaine de L a Vouivre leur avait-il transmis des missives secrètes et était-il revenu avec leur réponse ? D’où cette lettre, portant le sceau de Philippe et arrivée si récemment de France.
    — Et Sa Majesté le roi ? questionnai-je.
    — Rapide tel l’éclair, répondit Isabelle. Il a de nouveau échappé à ses poursuivants. Mon époux, Sa Grâce, précisa-t-elle, sardonique, approche de York. Nous devons le retrouver là-bas.
    — Et les barons ?
    — Ils se sont retirés au sud de la Trent, mais ont juré de revenir.
    Elle haussa les épaules.
    — Cela coûte fort cher de garder des troupes sur le pied de guerre.
    Elle se leva soudain, mettant ainsi fin à notre entrevue.
    — Mathilde, ma chérie*, dit-elle en me caressant la joue, les pièces, ainsi qu’aux échecs, peuvent regagner leur place : le jeu n’en est pas pour autant terminé.
    En effet, il ne l’était nullement ! Des nouvelles nous parvinrent comme une tempête de neige. L’armée de Bruce, sous les ordres de Douglas, son commandant, avait battu en retraite. Tynemouth était sauvé, et sûr. Les Beaumont se hâtaient vers le sud et les officiers royaux traquaient à présent divers chariots et poneys de bât chargés des biens de la maison de la reine. La plupart furent retrouvés. Quelques-uns manquèrent et jamais ne reparurent. Thomas de Lancastre, cousin du souverain et meneur des barons, envoya un message à Isabelle pour préciser qu’il en voulait non à elle ni à Édouard, mais uniquement à Lord Gaveston. C’était une belle lettre pleine de vertueuses hypocrisies, mais au moins, comme le souligna Isabelle non sans ironie, Lancastre proposait de restituer quelques-uns de ses bagages retenus avec ceux du monarque à New Castle.
    Demontaigu revint lui aussi et, par une fin d’après-midi, fit une entrée discrète dans l’abbaye. Je le vis à la roseraie

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