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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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défaire.
    Les Beaumont finirent par arriver dans un somptueux appareil. Ils jouèrent les héros du jour, s’enorgueillissant de leurs extraordinaires prouesses pendant ce qu’ils appelaient alors « le grand siège de Tynemouth ». Ils expliquèrent à qui voulait l’entendre que Lord Henry, à l’instar du vieil Horace, s’était dressé sur la brèche et, à lui seul, avait tenu les Écossais en échec. Lady Vesci, cette Minerve en armes, avait, usant de son arbalète, provoqué maints trépas pendant que Louis, comme Moïse jadis, levait les bras au ciel pour supplier le Tout-Puissant. Oh oui, les Beaumont étaient sans pareils* ! On ne pouvait comparer personne à ce diabolique trio quand il s’agissait de duplicité et de malice. Ils avaient réussi à rassembler leur escorte, à retrouver leurs bagages et à se diriger vers le sud pour faire une arrivée triomphale, tel César entrant dans Rome. « Un vrai mur de pierre », trompetait Henry en décrivant sa défense de Tynemouth contre les Écossais. En réalité, ils ne purent guère fournir de renseignements sur la trahison qui avait permis à l’ennemi de pénétrer dans la place, ni sur la fatale infortune dont la reine aurait pu être victime. Cette dernière, quant à elle, ne pouvait qu’accueillir ses « beaux cousins » à bras ouverts.
    Isabelle prête, nous regagnâmes York en grand apparat. Une compagnie de chevaliers bannerets dans leurs éclatantes livrées bleu, or et écarlate, bannières et pennons arborant les léopards d’Angleterre, nous reçut devant Micklegate et nous escorta dans la cité. York avait renoncé à son activité commerciale pour mettre en scène des cavalcades historiques et fêter sa belle reine de conte de fées, grosse alors de l’héritier royal, qui avait, par pur miracle, échappé aux plans maléfiques et aux fourberies de Bruce. Le vin coulait à flots des fontaines de la ville. On rôtissait des bœufs entiers sur d’énormes broches au-dessus de feux rugissants. On prononçait des discours aux coins des rues, devant les pignons dorés des superbes demeures des grands négociants. Des tentures bariolées, des drapeaux et des étendards pendaient aux fenêtres. Les trompettes sonnaient, les cornes résonnaient. La foule acclamait Isabelle qui, chevauchant un palefroi d’un blanc immaculé, aux harnais polis et ornementés de mailles d’or et de médaillons d’argent, avançait le long des rues et des voies, curées à fond et parfumées pour son passage. À divers endroits, aux alentours du pont sur l’Ouse, on interprétait d’impressionnants spectacles. Le maire et les édiles, dans les riches atours de leurs guildes, offrirent à la reine une bourse de pièces d’argent et une coupe en pur verre de Venise. Plus loin, un groupe de jouvencelles, en tuniques blanches comme neige, la tête couronnée de fleurs printanières, joua une scène illustrant le passé de la cité avant de rendre hommage à la souveraine en lui remettant un plateau d’or pur serti de pierres précieuses. Des choristes de l’église abbatiale voisine, en robes rouge foncé, entonnèrent «  Isabellae reginae, laus, honor et gloria – Louanges, honneur et gloire à la reine Isabelle ». Une autre représentation, célébrant la vie du bienheureux Thurston, un héros de la ville, fut donnée sur les marches de l’église St Michel. Il était midi lorsque nous parvînmes au portail du prieuré franciscain. Là, comme le voulait l’usage, une horde de mendiants en haillons attendaient pour demander l’aumône. Isabelle m’avait remis une escarcelle gonflée de pièces de cuivre. Je les distribuerais pendant qu’elle-même et son cortège continueraient leur chemin afin de retrouver le roi et Gaveston dans le domaine du couvent. Je m’attardai donc, en compagnie de Demontaigu, pour dispenser l’argent de la reine aux miséreux. Que Dieu m’en soit témoin ! Ils étaient légion, peau grêlée, paupières rougies, corps décharné laissant voir des blessures et des difformités horribles. Ni la fragrance du cortège royal et des bliauds parfumés sur des peaux huilées, ni les volutes d’encens ne pouvaient masquer les effluves fétides de cette horde de nécessiteux. Des doigts squelettiques, crochus comme des serres, se tendaient pour saisir les pièces. Je les octroyai aussi vite et avec autant d’impartialité que je pus. Alors qu’un océan d’étiques silhouettes grises me cernait, j’aperçus le

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