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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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un immense vide dans le cœur du souverain. Je pense que je ne pourrai jamais le remplir. Gaveston, lui, le peut. Alors pourquoi les Beaumont n’écarteraient-ils pas le favori ? Mais, comme aux échecs, on doit d’abord faire table rase des pions afin d’affaiblir les tours, les fous, les rois et les reines.
    — Par conséquent, repris-je, les Aquilae sont détruits, occis un à un, comme pour se moquer. Les assassins s’approchent en tapinois de Gaveston. Ce pourrait être les Beaumont. Ils doivent estimer qu’il les gêne, qu’il entrave fort leurs ambitions…
    Isabelle posa un doigt sur mes lèvres.
    — Mieux encore, mieux encore, Mathilde, si Gaveston s’en va, qui le supplantera dans l’affection du roi ? Les Beaumont ? Est-ce de cela qu’ils rêvent ?
    Elle se tut quelques instants.
    — Dieu sait, répéta-t-elle avec aigreur, que rien ne chaut à mes doux cousins si ce n’est ce qui les avantage.
    Le regard lointain, elle bougea les lèvres en silence, puis inclina la tête à mon intention et sortit de la chambre.
    On prépara sans plus tarder le départ de Gaveston pour Scarborough. Les clercs du monarque étant persuadés que les barons avaient des épieurs à York, y compris dans le prieuré même, leur plus grande peur était qu’une fois le favori sur la route, ils envoient un détachement pour l’intercepter. Donc, autant que possible, nos préparatifs demeurèrent cachés, hâtifs et discrets. Je racontai à Bertrand ce que m’avait confié Isabelle. Il tomba tout de suite d’accord avec elle.
    — Tout le monde veut voir partir Gaveston, dit-il à voix basse.
    — Sauf le roi ?
    — Sauf le roi ! admit-il, sarcastique.
    Je tendis la main et suivis du doigt le contour de ses lèvres.
    — Le roi ? S’est-il lassé de son favori ?
    — Réfléchissez, Mathilde ! Voilà quatre ans que la Couronne est sous la coupe de Gaveston. Depuis le décès de son père, Édouard a-t-il connu un seul jour de paix ? A-t-il pu exercer un véritable pouvoir ? Regardez ce qui lui est arrivé : il est pourchassé à travers son royaume et menacé. Parfois, il ne vaut guère mieux qu’un malandrin devant le tribunal du comté, déclaré hors-la-loi à grands coups de trompe. Il est sans doute fou de rage, mais il doit aussi être épuisé.
    Bertrand fit un geste d’impuissance.
    — Or la vie a suivi son cours. Roi pendant quatre ans, Édouard a trouvé des difficultés en Écosse et en France. À Westminster, les Communes exigent de le rencontrer. Les grands de l’Église font valoir leurs propres doléances. Ils demandent pourquoi le souverain ne s’installe pas pour vivre en seul maître. Son épouse, une femme jeune et belle, est maintenant enceinte*, d’un garçon, peut-on espérer. Je ne dis pas que Sa Grâce veuille du mal à Gaveston. Le monarque désire peut-être simplement qu’on le laisse en paix.
    Le triste portrait du roi qu’avait tracé Bertrand me hanta bien après qu’il m’eut quittée.
    Rosselin et Middleton vinrent eux aussi me voir. Je visitai le scriptorium du prieuré, une jolie salle raffinée dont l’odeur – celle des vélins pressés, entretenus avec soin, de l’encre, de la pierre à poncer et des reliures de veau – m’était chère. Je trouvais réconfortant de marcher sur le parquet ciré et de regarder, par-dessus son épaule, un frère copiant un manuscrit ou décorant un livre d’heures de superbes miniatures chatoyantes. J’aperçus Dunheved près de recueils bien rangés dans leurs casiers sur les étagères. Il m’expliqua qu’il recherchait une copie du Cur Deus Homo d’Anselme – Pourquoi Dieu s’est fait homme – et continua sa quête. Je souris pour cacher ma surprise, puis me sentis coupable ; après tout, Dunheved appartenait à un ordre célèbre pour son érudition acquise dans les collèges d’Oxford et de Cambridge. Ce n’était pas simplement un prêcheur et je me demandai vaguement à quelle branche du trivium ou du quadrivium 7 il s’intéressait. Je sortis du scriptorium perdue dans mes pensées. Rosselin et Middleton m’attendaient en face, dans le petit cloître. Ils se mirent debout et me bloquèrent le passage. Rosselin leva la main, paume ouverte en signe de paix.
    — Mathilde, nous ne souhaitons point vous alarmer, mais a-t-on oublié la mort de nos camarades, Lanercost, Leygrave et Kennington ?
    — Votre maître, lui, les a-t-il oubliées ? rétorquai-je.
    — Il a l’esprit sens dessus

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