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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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question inattendue, se frottant les joues.
    — C’est un mystère, murmura-t-il, un vrai mystère.
    Il se leva et se dirigea vers la porte.
    — Continuez, Mathilde.
    Il s’arrêta, la main sur le loquet, et lança un coup d’œil par-dessus son épaule.
    — Un jour, quand le ciel sera dégagé, j’exigerai de connaître la vérité.
    Puis il s’en alla tandis que les cloches sonnaient pour indiquer aux frères qu’ils devaient abandonner leurs tâches pendant l’heure suivante.
    J’estimais alors que la visite du souverain faisait partie d’un vaste plan. En fait, Édouard était aussi embarrassé que nous tous. Il avait perdu le contrôle de la situation et l’énigme accroissait sa faiblesse. Il m’avait ordonné de persévérer. Je m’y employais, et pas seulement parce que telles étaient ses instructions. Je m’étais aussi juré de protéger sa reine. Tynemouth avait prouvé à quel point Isabelle était devenue vulnérable dans les périlleux sables mouvants de l’époque.
    Quand les vêpres sonnèrent, nous nous rendîmes, Demontaigu et moi, à la porte du Golgotha pour rencontrer le Pèlerin. C’était une belle soirée. Les senteurs des jardins se mêlaient aux appétissants effluves des boulangeries et des cuisines du prieuré. Un frère lai avait installé un étal improvisé pour distribuer de la soupe, du pain et des fruits aux mendiants des environs. Les miséreux se pressaient tout autour ; vagabonds, colporteurs, chaudronniers, pèlerins côtoyaient une légion de pauvres hères attendant leur première bouchée de la journée. Ils s’étaient rassemblés à l’entrée de Pig Sty Alley, une venelle au sombre débouché en face de la porte du Golgotha. Ils formaient une foule bigarrée vêtue d’oripeaux bizarres. Il y avait un vieillard avec son furet apprivoisé, deux jongleurs coiffés de capuchons rouges à oreilles de singe, quelques prostituées affamées, des coquins, des rôdeurs de nuit et des simulateurs, l’œil aux aguets afin de saisir toutes les occasions. Je quittai Bertrand pour aller voir de plus près Pig Sty Alley, un long boyau qui courait sous des maisons de guingois tombant en ruine. L’endroit exhalait le péché et le mal. Au milieu luisait un caniveau béant ; la lueur dansante des lanternes suspendues aux linteaux illuminait les silhouettes furtives passant d’un seuil à un autre. Une bouffée de salpêtre, répandue pour masquer les odeurs nauséabondes, me fit reculer. Où pouvait bien se trouver le Pèlerin ? Je rejoignis Bertrand à l’instant où un messager royal au cheval couvert de boue se frayait un chemin pour atteindre la porte. Il mit pied à terre, brandit la sacoche de cuir aux armes du roi et réclama le passage à grands cris tout en fendant la cohue.
    — De nouvelles difficultés, me glissa Bertrand. Il faut que le roi quitte ces lieux. Nous perdons notre temps, Mathilde. Le Pèlerin ne viendra point…
    Je lui lançai un coup d’œil perçant.
    — Vous avez d’autres affaires urgentes à régler, n’est-ce pas ?
    — Ausel, répondit-il. Il est revenu à York pour achever une tâche, mais Dieu seul sait de quoi il s’agit !
    Nous attendîmes encore un peu sans pour autant voir le Pèlerin. Nous repartîmes donc vers la porte du Golgotha. Je m’aperçus qu’un franciscain me suivait. Capuchon remonté, chapelet pendant, il dévidait l’Ave Maria gratia plena – Je vous salue Marie pleine de grâce… Nous traversâmes le domaine du prieuré et une pommeraie dont les branches, au-dessus de nous, offraient une riche dentelle de fleurs blanches et pénétrâmes dans une petite roseraie. Demontaigu m’expliquait qu’il nous faudrait partir d’un instant à l’autre lorsque j’entendis mon nom. Je me retournai. Le franciscain, toujours sur nos talons, repoussa sa capuche tout en s’avançant en hâte. Bertrand effleura sa dague ; l’intrus leva la main.
    —  Pax vobiscum, amici – que la paix soit avec vous, mes amis.
    Il releva la tête. Le Pèlerin nous sourit. Son visage à l’étrange marque était à présent rasé, ses cheveux, naguère hirsutes, coupés court et tonsurés à l’exemple d’un religieux.
    — Pourquoi, l’interrogeai-je, pourquoi toutes ces feintes ?
    Il se contenta de hausser les épaules.
    — Quand vous parcourez les terres gâtées, madame, vous devez prendre des précautions. Or ça, point ne suis-je ni trompeur, ni félon.
    Il s’approcha.
    Je me souvins soudain des

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