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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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qu’on fumerait et sécherait. Les gâte-sauces avaient toujours besoin d’aide pour ramasser et mettre au sec brassées ou fagots de baguettes de coudrier nécessaires aux profonds fours de la boulangerie. Je me levais tôt chaque jour pour vaquer à ces tâches ordinaires. J’aimais la brume fraîche, la promesse du grand soleil, le bleu pâle du ciel. Les effluves des cuisines vous mettaient l’eau à la bouche, car Gaveston tenait comme avant aux mets délicats. J’ai toujours aimé les boulangeries. L’odeur du pain frais me rappelait les souvenirs doux-amers, l’innocence des jours heureux où, à Paris, je courais dans la rue des Cordeliers accomplir des commissions pour mon oncle pendant que les mitrons préparaient les premières fournées de la journée.
    Je récitais mes oraisons matinales dans ce charmant petit courtil en attendant que le chapelain, un prêtre méticuleux aux cheveux gris, ait préparé la chapelle pour la première messe. Il arrivait que Dunheved et Demontaigu me rejoignent, mais la plupart du temps le dominicain et mon templier bien-aimé célébraient l’office dans leur chambre. Un jour, Dunheved constata que Gaveston priait peu et demanda s’il était exact que sa mère avait été une sorcière. Je me contentai de sourire, dis que je l’ignorais et exprimai mon inquiétude devant la sottise de Gaveston et la stupidité du monarque. Oh oui, je me souviens de tout cela ! De cette chapelle accueillante aux fresques délicates et au jardin délicieux ; des menus travaux matinaux dans la boulangerie et la cuisine. Je m’en souviens parce que ce fut la période et l’endroit où les horreurs recommencèrent.
    Nous étions à Scarborough depuis environ six jours. Je me trouvais dans la resserre lorsque Dunheved surgit, sa bure noir et blanc flottant dans le vent fort du matin.
    — Dame Mathilde, je vous en prie, venez à la chapelle.
    Hors d’haleine, il s’appuyait d’une main contre le mur, l’échine courbée en reprenant son souffle. Bertrand, qui déjeunait non loin de là, nous accompagna quand nous quittâmes la cour pour suivre l’allée de galets menant à la chapelle. Rosselin et les Beaumont étaient déjà là, rassemblés devant la porte. Un chapelain éperdu tirait sur le grand anneau de fer. Demontaigu s’avança avec autorité.
    — Elle ne devrait pas être close, mais elle l’est solidement, gémit le chapelain.
    Il s’accroupit pour regarder par le trou de la serrure.
    — On a enlevé la clé, bafouilla-t-il.
    — L’avez-vous fermée hier soir, mon père ? s’enquit Dunheved.
    — Que nenni. Pourquoi l’aurais-je fait ? Ce château est fortifié. La chapelle ne contient guère d’objets de valeur, hormis la pyxide sacrée, et qui la déroberait, hein ?
    Je longeai le côté du bâtiment qui donnait sur le jardin. Les fenêtres, dont la garniture de corne avait depuis longtemps été décolorée par le temps, n’étaient que des meurtrières percées en haut du mur. Je fis demi-tour.
    — Je suis inquiet, déclara Rosselin. Je ne peux trouver Middleton. Il a l’habitude de venir ici avant l’aube ; il est soucieux, il a besoin de prier !
    Je me remémorai les médaillons et les insignes sacrés épinglés au justaucorps de Middleton.
    — Il est si tourmenté depuis quelque temps…
    Rosselin lui-même paraissait l’être, faisant les cent pas, frappant à coups répétés à l’huis de la chapelle comme pour réveiller quelqu’un à l’intérieur.
    — Pensez-vous qu’il pourrait se trouver dedans ? interrogea le dominicain.
    Rosselin eut un geste d’ignorance. L’austère Ap Ythel, mâchonnant un morceau de pain, s’approcha en compagnie de quelques-uns de ses archers. Je l’appelai pour qu’il vienne nous prêter main-forte. On envoya six de ses hommes quérir un gros rondin dans le bûcher pour qu’il nous serve de bélier. L’huis commença à se gauchir. Les archers d’Ap Ythel renoncèrent à la serrure sur la gauche pour s’attaquer aux robustes gonds de cuir sur la droite. Le fracas en fit accourir d’autres, curieux de voir ce qui se passait. Les soldats continuèrent à marteler la porte. Les gonds de cuir finirent par se rompre avec un bruit sec et la porte céda, tombant si brutalement que la serrure fut arrachée de sa fixation. À l’intérieur, le spectacle était terrifiant. La belle chapelle, avec sa délicate pyxide d’argent chatoyant dans la lumière rouge de la lampe du sanctuaire, était

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