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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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fûmes logés dans la tour de la Reine, les deux Aquilae, Middleton et Rosselin, près de nous. Quant à Gaveston, il s’adjugea Mossdale Hall. Bertrand paraissait inquiet. Je lui en demandai la raison. Une fois nos bagages rangés, il m’entraîna dans les jardins, proches de la chapelle Notre-Dame, et me fit un bref résumé des points faibles de Scarborough.
    — Il n’y a que deux puits, déclara-t-il, qu’on peut obstruer sans mal. L’endroit est plein de coins et recoins. Warde dispose de quelques troupes ; nous, d’Ap Ythel et de ses archers, des hommes des Beaumont et des Aquilae de Gaveston. Pour parler sans fard, Mathilde, je me demande si nous n’avons pas trop peu de soldats pour garder les murailles et trop de bouches à nourrir si nous venions à être assiégés pour de bon.
    C’est étrange de constater à quel point je garde un souvenir tout à fait net de certaines scènes de ma vie, quand bien même elles ont eu lieu quelque cinquante ans plus tôt. Néanmoins il m’est difficile de décrire le château de Scarborough même si je m’y suis rendue depuis le printemps 1312. Gaveston y arriva en grand seigneur, jouant le chef de guerre, déployant ses escadrons, mais il ne fallut que quelques jours pour qu’on raconte parmi la garnison que le favori et le roi avaient commis une grossière erreur. La ville disposait bien d’un port, cependant entre la citadelle et ce dernier se trouvait le village de pêcheurs, petit bourg en lui-même, avec les maisons des négociants et des riches marins. Si l’ennemi l’occupait, Gaveston devrait se frayer un chemin vers la mer, et s’il y parvenait, il devrait affronter une cogghe de guerre, armée par les barons, qui croisait devant le rivage pour l’empêcher de fuir. Ap Ythel confirma les sombres prévisions de Bertrand. Seules des forces importantes pouvaient défendre la place forte. Les assiégeants le comprendraient très vite et attaqueraient en plusieurs endroits, obligeant ainsi les défenseurs à éparpiller le peu d’hommes qu’ils avaient et à se déplacer sans cesse.
    Gaveston, pourtant, se comportait en chef des armées. Il exigea de revêtir le tabar royal, bleu, rouge et or, arborant les léopards dressés d’Angleterre tout en déployant sur les murailles les bannières et les pennons du souverain comme si Édouard en personne se trouvait en ces lieux. On pouvait faire confiance à Sir Simon Warde. Pourtant si Scarborough était bien pourvu en vivres et en armes, la garnison n’était qu’un mélange de vétérans, de mercenaires et d’habitants de la contrée enrôlés. Je parcourus la forteresse avec ses passages étroits, qui serpentaient au pied de la masse menaçante des murs escarpés, des tours fortifiées et des remparts. Même moi, qui ignorais tout de la stratégie militaire, me rendais compte combien nos colonnes étaient maigres au vu de ce qu’elles étaient censées défendre. La haie de boucliers de Gaveston, ainsi qu’il nommait non sans grandiloquence sa troupe, était beaucoup trop disparate : quelques chevaliers avec leurs écuyers en cotte de mailles ; les archers d’Ap Ythel dans leur livrée vert foncé, leur justaucorps de cuir galonné et leur salade d’acier ; les valets d’armes des Beaumont, en haubert, casque sphérique et écu rond. Le détachement du gouverneur comprenait de la piétaille en armure lourde, quelques cavaliers, des lanciers et des archers habillés de drap léger ou de loques de cuir. Le château en soi, sur cette longue crête, paraissait imprenable, dominant les alentours de ses fortifications dressées vers le ciel. À l’intérieur, toutefois, c’était, comme je l’ai dit, un sombre dédale de corridors et de marches abruptes menant tout en haut, là où le vent soufflait sans cesse, ou tout en bas, vers les cachots, les réserves, des galeries, sombres et voûtées.
    Mon logement consistait en une chambre carrée et sûre dans la tour de la Reine. Seul un crucifix ornait le plâtre souillé des murs. Le lit était plutôt confortable. Mes biens étaient rangés dans un coffre. Warde, compréhensif, avait prévu qu’on m’apporte une table et une sellette ainsi qu’un lavarium et une écritoire. Le plancher était propre ; la fumée des braseros parsemés d’herbes écrasées effaçait presque l’odeur de moisi, de poussière, de vieux plâtre. La porte, massive, pouvait être fermée et verrouillée de l’intérieur. Des volets de bois se rabattaient

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