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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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devenue le lieu de la malemort, hideuse et brutale. Au bout d’une corde grossière attachée à une poutre, le corps de Nicholas Middleton tournait doucement. Les médailles agrafées à son justaucorps scintillaient, comme pour se gausser, dans la faible lumière. L’échafaud improvisé, avec l’échelle du chœur appuyée contre la poutre, était aussi poignant que les gibets des carrefours. La scène était vraiment épouvantable. Middleton était de guingois, pieds bottés tendus vers le bas, jambes, dans leurs hauts-de-chausses verts, un peu écartées, mains se balançant, tête pendant de façon bizarre telle celle d’une volaille à qui on aurait tordu le cou. Il suffisait d’un coup d’œil sur le visage violacé, les yeux mi-clos, la langue gonflée et tirée, pour comprendre qu’il était mort.
    Je demandai qu’on ne touche pas le cadavre, puis regardai autour de moi, enregistrant dans mon esprit ce que je voyais. L’échelle contre les solives. La clé de la chapelle sur le sol. La porte de la sacristie entrouverte. On avait légèrement déplacé la chaire de miséricorde. Je me rendis dans le chœur et la sacristie. Rien, si ce n’est un silence poussiéreux. L’huis donnant sur le courtil était encore bien fermé et verrouillé ; le haut et le bas étaient bloqués par la rouille. Je regagnai le chœur pour mieux inspecter cette scène macabre. Les hommes d’Ap Ythel se tenaient à présent sur le seuil délabré pour repousser les curieux. À ma requête on dépendit la dépouille qu’on étendit sur les dalles. Rosselin, pâle comme un fantôme, se tenait debout à ses côtés. Il tremblait, haletant, clignant des yeux. Je le scrutai : était-ce lui le meurtrier ? Il savait que son ami venait ici. Cependant il arrive qu’en observant un être humain on pressente ce qu’est son âme la plus intime. Rosselin était terrorisé, brisé. Écuyer pourtant habitué à la violence des batailles, cette menaçante répétition de mystérieux trépas soudains l’avait anéanti.
    Je me retournai en entendant du bruit à la porte. Gaveston, en compagnie du gouverneur, fit son entrée. Il jeta un regard sur le cadavre, soupira et, se détournant, se contenta de fixer le sol. Puis il se redressa, l’air aussi pitoyable que s’il contemplait sa propre mort. Je le couvai des yeux, en quête du moindre artifice, de la moindre feinte. J’avais connu Gaveston au faîte de sa gloire et il était évident qu’il avait changé : la chevelure noire était striée de gris par endroits, le beau et doux visage marqué de rides profondes, les joues un peu creusées, les yeux hagards, comme s’il commençait à devenir fou.
    — Comment… ? s’enquit-il d’une voix rauque. Comment… ?
    — Dieu seul le sait, souffla Dunheved.
    Le Gascon me montra du doigt en vociférant :
    — Vous, vous étiez chargée de découvrir la cause de ces drames.
    Il avait l’air aux abois. J’hésitai à l’interroger, mais à quoi bon ? Il mentirait. Il n’avait onc été homme à révéler ses pensées les plus profondes.
    — Eh bien ? hurla-t-il.
    — Monseigneur, ripostai-je, comment le pourrais-je alors que nous fuyons sans cesse à travers ce royaume tels des larrons proscrits ?
    Gaveston leva le poing. Demontaigu posa la main sur son poignard. Ap Ythel se précipita pour chuchoter quelques mots à l’oreille du favori. Ce dernier n’écouta qu’à moitié avant de pivoter sur ses talons et de quitter l’église à grands pas outragés. Je maîtrisai mon courroux et m’affairai auprès du corps. Dunheved ramassa la clé et s’éloigna dans un claquement de sandales.
    — Il n’y a point d’entrée secrète ici, pas de corridor ! cria-t-il.
    Il s’interrompit, hocha la tête et revint pour prier Bertrand d’administrer les derniers sacrements au défunt. Mon bien-aimé accepta. Il s’agenouilla d’un côté du cadavre et moi de l’autre. L’absolution fut donnée pendant que j’examinai les doigts, la paume des mains et la tête de la dépouille. Je ne vis ni contusion ni hématome, rien qui puisse suggérer que Middleton, dont les médailles et les insignes sacrés luisaient toujours dans la lumière, avait été assassiné. J’embrassai les lieux du regard. Le dominicain se trouvait à présent près du portail. Il introduisait la clé dans la serrure arrachée puis l’en ressortait.
    — On dirait, murmura-t-il quand Demontaigu eut terminé, que Middleton est venu céans, a

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