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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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facilement sur les meurtrières qui laissaient entrer la lumière et l’air. Le petit recoin des latrines avait été curé de part en part.
    Je pris mes aises de mon mieux, mais ce n’était guère un endroit où flâner. Je préférais passer le plus clair de mon temps dans ou autour de la chapelle Notre-Dame, un petit bijou d’église sise dans son propre clos, un courtil d’agrément dessiné avec grand soin par un ancien gouverneur et son épouse. Les pelouses carrées tondues de près, les étroites banquettes d’herbe, les plates-bandes de fleurs chargées des premières pousses vertes de l’été en faisaient un vrai paradis. Des treillis soutenant des rosiers grimpants dominaient des buissons parfaitement taillés et il y avait même un petit vivier surmonté d’une fontaine en forme de flèche. La chapelle elle-même, à laquelle on accédait par une allée de galets, était aussi simple qu’une grange : voûte de bois arquée, poutres patinées par le temps. Un chancel décoratif séparait le chœur de la nef. Il n’y avait pas de transept. Piliers et supports faisaient partie intégrante des murs plâtrés. Leurs chapiteaux et corbeaux avaient la forme de feuilles de vigne entrelacées peintes d’un vert agréable à l’œil. Près de la porte se trouvaient d’anciens fonts baptismaux, rien de plus qu’un large bassin reposant sur une solide petite colonne, sous la protection d’une peinture murale représentant saint Christophe portant l’Enfant Jésus. Au fond de la chapelle un modeste autel de pierre se dressait sur son estrade. Au-dessus de l’autel, au bout d’une chaîne filigranée pendait une ravissante pyxide d’argent, près de laquelle la lampe du sanctuaire, dans son support de cuivre et de verre, scintillait tel un flamboyant rubis. La couleur inhabituelle des dalles noires et jaunes me faisait penser à un jeu d’échecs, mais ce qui me fascinait, c’étaient les peintures sur les murs latéraux. Ces douze médaillons miniatures, six de chaque côté, décrivaient les travaux de l’année, mois après mois. L’exécution en était vigoureuse. Personnages et occupations, que ce soit l’engraissement des porcs en novembre ou l’abattage des bœufs en décembre, étaient soulignés de bleus, de verts et de bruns brillants. Une échelle, destinée, appris-je plus tard, à décrasser la corne qui garnissait les ouvertures en fer de lance, se trouvait dans le chœur. La sacristie, à gauche du chœur, n’était qu’une salle nue. Jadis des fresques en avaient orné les murs, mais elles avaient disparu depuis longtemps. Une porte, à présent bloquée par la rouille, fermée et verrouillée, donnait sur le jardin. À gauche du chœur il y avait aussi un petit oratoire dédié à la Vierge avec une chaire de miséricorde et un prie-Dieu où l’on pouvait dispenser le sacrement de la confession.
    J’aimais m’asseoir dans le courtil ou me promener dans la chapelle, si calme, si dépouillée, si humble, mais qui pourtant serait bientôt le repaire du meurtre. Je passais le reste de mon temps, ayant confié la plus grande partie de mes potions et de mes médicaments aux gens de la reine, en compagnie de la physicienne du château, une vieille femme qui parlait sans cesse à son bonnet, une vraie fontaine de savoir quant au meilleur remède pour traiter une blessure ouverte, pour apaiser les troubles des humeurs du ventre ou soigner les catarrhes. Quand je l’eus persuadée qu’elle n’avait rien à craindre de moi, elle se mit à jacasser comme une pie, en particulier sur ses élixirs, ses cataplasmes, ses décoctions. En fait, on se gausse volontiers de ce genre de femmes, or elle était très adroite et fort instruite, surtout sur les champignons, si dangereux, disait-elle, qu’elle n’en avait jamais goûté un de sa vie. Elle était aussi au courant de tout ce qui se disait céans. C’est par elle que j’appris que le gouverneur Warde estimait que Scarborough ne pourrait être défendu contre une armée et que ses recrues grommelaient ouvertement d’avoir à protéger un parvenu gascon.
    Que Dieu me pardonne, j’ai oublié le nom de cette vieille femme, bien qu’elle m’ait tant appris sur les remèdes confectionnés à partir des plantes locales et les multiples charmes et incantations prononcés lors de leur application. D’abord, je me demandais si c’était une sorcière. Un jour, un sourire fendit son visage ridé, elle me prit le bras et m’attira

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