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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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restais pas moins fort méfiante. Hereford ne cessait d’acquiescer avec componction comme s’il comprenait chaque mot, ce qui me laissait sceptique. Warwick se contentait de fixer la table. Il bougeait parfois la main pour tambouriner du bout des doigts ; il lui arrivait de lever la tête pour croiser mon regard de ses sombres yeux inexpressifs.
    Demontaigu, puis surtout Dunheved, exigèrent avec chaleur que Gaveston soit réellement protégé. Pembroke, qui aurait pu trouver offensant que sa parole fût mise en doute, promis avec solennité de s’engager par le serment le plus sacré qui soit. Il appela un serviteur ; quand ce dernier entra, Pembroke ordonna qu’un prêtre portant le saint sacrement vienne immédiatement dans son pavillon. Quelques minutes plus tard, accompagné d’un thuriféraire, d’un acolyte tenant un cierge sous calotte et d’un petit page agitant à grand bruit une clochette, le saint sacrement fut apporté en grande pompe et posé sur la table. Nous nous agenouillâmes tous à sa vue. Le prêtre entonna une prière, puis Pembroke prêta serment, une main sur l’évangéliaire, l’autre serrée autour de la pyxide comme un officiant pendant la consécration. Il jura sur sa tête, sur son salut, que si Lord Gaveston s’en remettait à sa protection, il serait en sécurité et traité selon son rang de comte. Je demandai si Mgr Hereford et Mgr Warwick en jureraient eux aussi. Le premier avait l’air assez décidé ; Warwick, quant à lui, haussa les épaules. Pembroke se hâta d’intervenir. Il souligna que tous les barons s’étant engagés en grande cérémonie les uns envers les autres, ils respecteraient son serment. Le prêtre prit alors le saint sacrement, le recouvrit d’un morceau de soie blanche et quitta la tente avec majesté.
    Toute cynique que je fusse, je ne pouvais qu’être satisfaite. Les conditions étant honorables, nous assurâmes à Pembroke qu’il aurait la réponse de Gaveston avant la tombée de la nuit. Une fois la discussion close, Pembroke se montra encore plus amical. Il insista pour que nous buvions à la santé les uns des autres avec le meilleur vin, acheté spécialement pour l’occasion. Bien entendu l’étiquette exigeait que nous acceptions. On emporta la table sur tréteaux et nous échangeâmes quelques propos aimables. Warwick s’approcha de moi et me fit compliment de mon bliaud. N’étais-je point fraîche et avenante après les rigueurs du siège ? Comme je répondais avec quelque acrimonie, il rejeta la tête en arrière, éclata de rire et me caressa l’épaule. Je ne bronchai pas. C’était certes un homme dont il fallait se méfier, mais je lisais dans ses yeux qu’il n’était ni un danger ni une menace pour moi.
    — Ma petite Mathilde, murmura-t-il tout en jetant un coup d’œil aux deux autres comtes plongés dans la conversation avec Bertrand et Dunheved, ma petite Mathilde, soyez certaine, et faites-en part à votre royale maîtresse, que nous ne vous avons onc voulu de mal.
    Il s’approcha encore un peu.
    — Nous avons eu vent de la mort des Aquilae, les aigles de Gaveston… Qu’y a-t-il de vrai là-dedans ? Ont-ils tous été assassinés, poussés dans le vide ? Gaveston s’est-il retourné contre les siens ?
    — Pourquoi l’aurait-il fait, monseigneur ? chuchotai-je d’un ton rauque.
    Warwick retira sa main.
    — Je vais vous confier un secret, Mathilde. Je connais Gaveston depuis des lustres ; il était à l’époque un écuyer de basse naissance dans la maison du prince de Galles.
    Il s’humecta les lèvres.
    — J’ai une certaine réputation, madame, et je la mérite, mais personne ne comprend à quel point le favori est implacable. Ne l’oubliez pas ! Il trahirait n’importe qui pour sauver sa vie.
    — Y compris Sa Grâce le roi ?
    — Édouard de Caernarvon est ce qu’il est, mais même lui ne comprend pas Gaveston comme je le fais. Et pourquoi, dame Mathilde ? Parce que nous nous ressemblons. Je reconnais Gaveston pour ce qu’il est. Je vous en supplie, soyez prudente, et si…
    Il s’interrompit afin de rassembler ses idées, posa derechef la main sur mon épaule qu’il caressa doucement.
    — Que souhaitez-vous à votre maîtresse, Mathilde ?
    — La santé et le bonheur, monseigneur, comme à vous.
    — Et il en est bien ainsi.
    Il lança un coup d’œil autour de lui.
    — Mais je peux vous assurer que ce royaume ne sera en paix que lorsque Gaveston sera

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