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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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psaume : « Pour trois fois, non, quatre fois tes crimes, on a décrété le châtiment. » L’envoyé de Pembroke le chassa.
    Nous continuâmes notre chemin. Des chiens hurlaient à la mort. Des chats, affairés sur les malodorants tas d’ordures, détalaient, ombres noires dans la lumière resplendissante. Au coin d’un carrefour un cadavre dansait au bout d’un gibet improvisé, la tête penchée, les yeux vitreux exorbités. Un bout de vélin épinglé à son justaucorps en lambeaux l’accusait de vol, preuve indéniable que les barons entendaient faire respecter l’ordre. À côté de la potence une rangée de malfaiteurs fermement attachés au pilori geignaient et gémissaient pour qu’on les soulage. Un bailli du bourg, afin de se gausser de leurs douleurs, leur versa sur la tête un seau de pissat de cheval puis éclata de rire en voyant les captifs se démener pour s’en débarrasser. Deux enfants qui mendiaient, yeux écarquillés, maigres bras tendus, nous regardèrent passer. Malgré la splendeur de la matinée, je perçus les signes de la brutale cruauté de cette vie. Dunheved entonna un psaume : « J’ai levé les yeux vers les collines d’où est venu mon Sauveur…» Je priai en silence pour notre sauvegarde.
    Nous atteignîmes un terrain vague sur lequel se déployait le camp ennemi qui, déjà éveillé, se préparait pour une autre journée de carnage. Nous passâmes près des tours de siège et autres engins de guerre et pénétrâmes à l’intérieur. Le camp lui-même, sans doute suivant les consignes de Pembroke qui étaient de nous impressionner, n’était que menace. Archers et soldats, palefreniers et arbalétriers, en broignes de cuir et capuchons de mailles rejetés sur les épaules, avaient suspendu à leur ceinturon leur heaume et salade pendant que leurs capitaines les mettaient en ordre de bataille pour le premier assaut de la journée. Tous les miasmes infects de la guerre empuantissaient l’air : sang, crasse, filmée des feux. Une brise légère transportait un mélange d’odeurs provenant des lignes de chevaux, des latrines, des forges et des marmites. L’armée ennemie était bien organisée avec ses abris et ses tentes de cuir dressés en rangées impeccables. Nous suivîmes l’allée principale jusqu’à une palissade de fortune abritant les pavillons colorés des barons ; leurs drapeaux flottaient devant, près de leurs armures et de leurs heaumes à crête posés sur des chevalets.
    Des palefreniers nous accueillirent, nous aidèrent à mettre pied à terre avant de s’éloigner avec nos montures. Un chambellan guindé, muni de la baguette blanche de son office, nous conduisit à la tente centrale dont on avait avec soin relevé les portières. Demontaigu remit sa bannière au chambellan ; Dunheved fit de même avec son crucifix. Nous fûmes ensuite introduits auprès de Pembroke, Hereford et Warwick qui nous attendaient derrière une table sur tréteaux. Pembroke était assis entre ses compagnons. À droite, sur la table, se trouvait une épée au pommeau incrusté de joyaux dont la pointe agressive était tournée vers nous ; à gauche, il y avait un évangéliaire à la couverture de cuir rougeâtre ornée de dessins celtes exécutés en pierres précieuses miniatures. On nous invita à nous installer sur les trois sellettes placées devant la table. Aymer de Valence, comte de Pembroke, ne musa pas en cérémonies. Il s’inclina avec courtoisie devant chacun de nous, nous pria de lui dire nos noms, puis, se tournant sur sa gauche, nous présenta Guy de Beauchamp, comte de Warwick, et, sur sa droite, Humphrey de Bohun, comte de Hereford. Il s’empressa d’ajouter que Thomas, comte de Lancastre, cousin du roi, avait ramené ses troupes à Pontefract mais, en peu de mots, il indiqua qu’il pouvait toujours revenir.
    Dès le début Pembroke fut l’aménité en personne. Il nous proposa de la bière, du pain frais et de la viande juste rôtie. Nous acceptâmes avec civilité et, pendant que les valets apportaient plats et chopes, j’étudiai ces trois grands barons. Bien sûr, je les connaissais et ils m’avaient déjà vue lors de réceptions à la Cour, de spectacles, de célébrations et de festins. Je mangeai et bus avec modération, laissant Dunheved et Bertrand, connus eux aussi de nos hôtes, se charger des frais de la conversation.
    Le gouverneur m’avait chapitrée sur ce que je devais faire et dire, mais, en réalité, je savais bien

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