Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
sentir. Nous quittâmes Scarborough le 6 juin, jour de la Saint-Norbert. Un des prêtres de la maisnie de Pembroke chanta un psaume de l’office du jour, évoquant le Christ, notre berger, qui nous guiderait, sains et saufs, à travers tous les risques et périls. Nous aurions peut-être dû nous montrer plus fervents ! Au début mes craintes se calmèrent dans une certaine mesure. Pembroke était loyal. Il s’était engagé selon les rites : s’il trahissait sa promesse, il serait condamné tant par l’Église que par la Couronne. Quoi qu’il en soit, je sentais bien que c’était trop beau, trop rapide. On avait l’impression de traverser les marécages autour de Poitiers. Tout était vert, tendre, fertile, mais il fallait pourtant regarder où on mettait les pieds. Si on se trompait de chemin, on découvrait que les prairies verdoyantes n’étaient que traîtresses fondrières, qui pouvaient vous engloutir et vous garder prisonnier. Gaveston, à présent privé de ses Aquilae ou d’un écuyer pour le conseiller, était complètement détendu, persuadé qu’il avait obtenu la paix. Je l’écoutais, horrifiée de voir son soulagement se transformer en fanfaronnade sur ce qui se passerait quand il retrouverait le roi. Avec sagesse, Pembroke n’en tenait pas compte. J’aurais voulu envoyer des messages urgents à la reine, mais Pembroke exigea que personne n’abandonne la colonne en marche. Je trouvai quelque réconfort dans la longue file de palefreniers, de soldats et d’archers qui nous accompagnaient. Ni le gouverneur ni Ap Ythel n’avaient reçu l’autorisation de nous fournir une escorte. Le capitaine gallois des archers royaux m’avait assuré à mi-voix que dès le départ de Gaveston, lui et ses hommes feraient diligence pour se rendre auprès du souverain. La facilité avec laquelle l’affaire avait été réglée inquiétait aussi beaucoup Ap Ythel.
    —  Faux-semblant*, avait-il murmuré.
    Il m’avait saisi la main, puis prise dans ses bras.
    — Pour l’amour de Dieu et de Sa très belle mère, m’avait-il glissé à l’oreille, prenez garde ! Souvenez-vous de ceci : ne vous laissez pas séparer de Pembroke.
    Il m’avait embrassée sur les deux joues et, debout, avait levé la main.
    — N’oubliez pas ! avait-il répété.
    Je n’oubliai pas. Je me souvins aussi des paroles d’Isabelle sur les assassins qui se débarrassaient d’abord des gardes avant de frapper leur victime. Notre voyage fut pourtant serein, comme si nous étions un groupe de pèlerins en route vers le Sud pour effleurer de nos lèvres la pierre de la Vierge à Walsingham ou prier devant les ossements bénis de Becket dans leur châsse d’or et d’argent à Cantorbéry. Nous croisâmes d’autres voyageurs : bohémiens dans leurs roulottes aux couleurs vives, négociants chevauchant vers les villes lainières du Sud. Chaudronniers, colporteurs et marchands avec leurs bêtes de somme, leurs paniers et leurs bannes débordant de babels, de l’infinie multitude d’articles qu’on pouvait vendre sous le soleil, que ce soit un pot en corne, en étain, ou autre chose. Des pèlerins en tout genre encombraient la route, éternels errants en justaucorps de cuir ou de toile tachés, fiers de leur chapeau orné de médailles de lieux aussi lointains que Saint-Jacques-de-Compostelle ou la châsse des Mages à Cologne. Des vendeurs de reliques grouillaient comme des mouches, nous importunant avec n’importe quoi, de la tête de saint Britaeus – Dieu sait qui c’était – à la lanière de la sandale de la Sainte Vierge. Une bande chahuteuse d’un village voisin essaya de nous arrêter pour que nous les regardions chanter et danser au son aigre des cornemuses. Pembroke les écarta d’un geste en riant. Nous reprîmes notre route. J’étais simplement heureuse d’être hors du château, de ne plus entendre le vrombissement des flammes, le mortel sifflement plaintif des arcs et des arbalètes, l’éclatement des boulets et des pots de poix bouillante. Les odeurs d’aubépine dans les haies, celles des champs et des prés brûlés par un soleil ardent, l’appel des paysans qui travaillaient la terre en surveillant les futures récoltes me réconfortaient. Les clochers des villages s’élevaient tels des fanaux de bienvenue dans le ciel bleu. Le bruyant affairement des hameaux que nous traversions revigorait l’âme.
    Demontaigu – que Dieu le bénisse ! – demeurait soupçonneux. Le deuxième

Weitere Kostenlose Bücher